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Le grand oubli
 
  Texte de Jean KLEIN             

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  Tout le problème de la mort est basé sur l'hypothèse que nous sommes nés et que ce quelque chose ou cette personne qui est née finit par mourir. Aussi, la première étape est de se poser la question: « Qui ou qu'est-ce qui naît puis meurt ? ».

  L'idée de naître n'est rien de plus qu'une idée. C'est une information de seconde main rapportée par notre mère. Si nous nous demandons « Est-ce que je sais si Je suis né ? », et que nous examinons cette question de plus près, nous voyons, en effet, qu'une perception est née et meurt, mais nous ne pouvons pas affirmer « Je suis né ».

   Dans toute exploration authentique, il est vital de se libérer des Informations de seconde main, du sens commun. Si nous commençons par interroger les questions, nous découvrons que nous sommes amenés à questionner le questionneur. C'est le début de l'investigation de soi.

   Lorsque nous abandonnons l'information de seconde main, nous nous trouvons face à face avec les faits tels qu'ils sont: les percepts, plutôt que les concepts. Lorsque nous laissons de côté les rêveries, les hypothèses et les vérités établies, nous nous trouvons au cœur du problème : pourquoi parler de la mort avant même de savoir ce qu'est la vie ? En effet, si nous ignorons ce qu'est la vie, comment pouvons-nous même commencer à parler de la mort ? Alors, parlons d'abord de la vie.

   Les manifestations de la vie apparaissent et disparaissent dans notre Conscience. Nous savons ce qu'est le temps, l'espace, une expérience. Comment pourrions-nous le savoir si nous ne connaissions également, en quelque sorte, ce qui est en dehors du temps, de l'espace, et de l'expérience ? Pouvons-nous connaître le blanc sans faire référence au noir ? Connaissons-nous les ténèbres sans nous référer à la lumière ? Nous connaissons l'impermanence parce que, d'une certaine manière, nous « connaissons » la permanence. Cette permanence n'est pas une expérience dans le temps et dans l'espace. Ce n'est pas une condition. Elle n'appartient pas à l'existence, car l'existence se situe dans le temps et dans l'espace. Essentiellement, ce n'est rien, et pourtant d'une certaine manière nous nous référons très souvent à cette vacuité. C'est l'arrière-plan à partir duquel nous fonctionnons. Cela n'a rien à voir avec la succession, le passé et l'avenir. Cela est sans cause et ne peut être né. Lorsque nous découvrons cet arrière-plan, le problème de la mort perd toute sa signification. Lorsque cette conscience éternelle, à partir de laquelle nous fonctionnons inconsciemment, devient consciente - en d'autres termes, consciente d'elle-même -, nous connaissons alors que ce que nous sommes est au-delà du temps et de l'espace. Nous connaissons la vie, et il ne nous vient pas à l'esprit de penser même à la mort, parce que nous vivons consciemment dans cet arrière-plan éternel, dans l'instant présent, et la succession d'événements n'est qu'une expression de cet instant.

    La véritable question est alors : comment puis-je parvenir à connaître la vie pour que la mort n'ait plus de sens ? Je dirai qu'on ne peut jamais connaître, de façon objective, ce qu'est la vie. On ne peut qu'être la vie, être ce qui connaît. Cette connaissance est une aperception instantanée, libre de l'espace et du temps, dans laquelle il n'y a ni connaissant, ni connu. C'est l'éveil de la vie dans sa plénitude. Cet éveil est notre réelle naissance. La naissance phénoménale n'est qu'un accident et le demeure aussi longtemps que notre nature réelle, notre naissance réelle sont inexplorées. Dès notre éveil à la vie, nous devenons profondément conscients de ne pas être un objet conceptuel. Le réflexe de s'objectiver ne se manifeste plus. C'est un état d'ouverture profonde où il n'y a que la vie, « êtreté », une totale absence d'être quoi que ce soit. C'est intemporel, sans dimension, et ne peut être objectivé, c'est-à-dire expérimenté. Ce n'est pas né, et ce qui n'est pas né ne peut pas mourir. Dans ce non-état originel, l'idée de la mort ne se présente même pas. La peur de mourir provient de notre identification au corps-mental. Cette erreur n'est qu'une pensée.

   La peur de mourir provient donc en réalité de la capacité de penser. En l'absence de pensée, il n'y a ni espace ni temps. L'espace, le temps, aller, venir, le passé, l'avenir, n'existent que dans la pensée. Ils n'ont aucune réalité autonome. Toute la peur créée par la société et les religions autour de ce que l'on nomme la mort n'est qu'une fabrication de l'esprit. Seul un être-objet peut avoir peur, mais vous n'êtes pas objectivable.

   Mourir, sur le plan biologique, ne crée pas la peur. La peur est logée dans le mental, non dans le corps. La peur de mourir n'est qu'une anticipation à l'idée que « vous » allez disparaître. Cette idée d'une disparition finale détruit toute sécurité pour l'image de soi. Mais ce « vous » ce « moi », cette image de soi, est aussi une construction mentale bâtie par la mémoire. L'instinct puissant de ce qu'on appelle à tort la préservation de soi (le terme montre combien nous sommes identifiés au corps-mental) n'est qu'un instinct de survie biologique. La vie est sans désir, mais le corps-mental est une expression de la vie. Nous pourrions donc dire que le désir de rester en vie provient de la vie même. En tant qu'expression de la vie, le corps accomplit la course inhérente à sa nature.

   La signification réelle de la mort, et du fait de mourir, est complètement différente de ce qu'on entend généralement par ces mots. Lorsqu'on connaît le continuum qu'est la vie, toutes les perceptions (dont notre corps fait partie) sont ressenties comme apparaissant et disparaissant dans la conscience. Cette apparition et disparition est la véritable signification de la naissance et de la mort. Nous naissons chaque fois qu'une pensée ou une sensation apparaît, et nous mourons chaque fois que le concept ou le percept disparaît. Nous mourons chaque soir avant de nous endormir, et nous naissons chaque matin. Nous devons donc nous accoutumer à cette mort, à ce lâcher-prise du monde objectif. Nous devrions nous demander, au plus profond de nous-mêmes: « Qu'y a-t-il avant l'apparition de la pensée ? Qu'y a-t-il lorsqu'elle disparaît ? Qu'y a-t-il avant l'endormissement du corps et avant son réveil ? » Lorsque nous observons avec attention, nous découvrons non pas l'absence que nous escomptions, mais une présence, une présence qui ne peut cependant s'objectiver. Elle est trop proche, au plus près de nous.

   Si nous savons réellement comment nous endormir, nous saurons comment mourir, nous serons déjà familiarisés avec le fait de mourir, avec la dissolution de ce qui est né. Pour ce faire, nous devons, avant de nous endormir, mettre de côté toutes qualifications. Nous devons devenir aussi nus sur le plan psychologique que nous le sommes sur le plan physique. Cela signifie qu'avant de dormir nous devons mettre de côté toutes les opinions, toutes les pensées, tous les soucis, toutes les idées. C'est une offrande de tout ce que nous ne sommes pas. Le lâcher-prise est toujours une expansion du mental et du corps et, dans cette expansion, se trouve le pressentiment de la réalité, notre globalité. Ceci devrait être fait chaque fois que nous dormons jusqu'à ce que nous découvrions que, avant l'éveil du corps le matin, nous sommes. La présence est déjà là.

   Il est préférable de ne pas ajourner ce lâcher-prise de l'entité personnelle et de toutes ses qualifications jusqu'au moment de la mort. Autrement, il est nécessaire que quelqu'un qui connaît la vie assiste au lâcher-prise final. C'est le rôle supposé du prêtre dans les rites ultimes. La fonction du prêtre, du chaman, du lama ou autre, est de nous aider à traverser sciemment le seuil qui sépare le monde objectif du monde sans objet. Son rôle est d'aider celui qui meurt à oublier tous les résidus de la personne pour s'ouvrir ainsi à une nouvelle dimension de la Vie. C'est une offrande qu'on rend à la vie de toutes les expressions qu'elle nous avait temporairement offertes. Ce qui demeure alors est la conscience originelle. Mais quiconque aide à ce passage doit être qualifié. Sa personnalité doit être absente. Pour aider quelqu'un à mourir, on doit mourir avec cette personne. Dès cet instant, elle est stimulée par votre mort, qui est un abandon de toutes qualifications. La présence éternelle, l'amour, a le pouvoir de libérer celui qui meurt des résidus de son identification avec le monde phénoménal. Il n'y a aucune place, dans cette assistance, pour des sentiments de tristesse, de pitié, de peur, et il n'y a pas de place non plus pour la parole. Tout ceci ne ferait que maintenir celui qui meurt dans la préhension du monde objectif.

   La manière idéale de mourir est dans le silence. Mais lorsqu'on est plongé dans les rites d'une tradition religieuse, ceux-ci peuvent aider, en l'absence d'un prêtre qualifié ou d'un ami véritable, au lâcher-prise d'attachements spécifiques. Mais les rites doivent être impersonnels, ne pas donner prise à la personne, comme, par exemple, certains sons qui nous attirent au-delà du monde du sentiment et de l'émotivité.

   La façon de parvenir à ce lâcher-prise est, comme je l'ai dit plus haut, semblable à celle qui précède le sommeil. Tout ce qui apparaît dans l'instant est vu comme un fait. On prend note du fait, sans l'analyser ou intervenir, et, dans ce constat inconditionnel, l'on ressent l'ouverture. Lorsque nous faisons face, de cette manière, à tout ce qui apparaît, alors l'ouverture, l'attention dans laquelle la perception fut la bienvenue, se représente à nous. Nous nous trouvons dans la lumière. Ceci est un abandon naturel, sans intention. Ainsi, que nous soyons en train de mourir (et nous le devons certes !) ou d'aider quelqu'un à mourir, il s'agit de la même procédure. Nous nous tenons sciemment dans la conscience.

   Il est crucial de connaître la mort alors que nous sommes encore en vie. La qualité de la vie est totalement différente pour celui qui connaît le lâcher-prise dans l'état de veille. C'est là le sens réel du mot mort. C'est là la signification réelle du mot sacrifice. Comme le dit Maître Eckhart: « Dieu est lorsque je ne suis pas ». Nous naissons seulement après la mort de tout ce qui est personnel. Lorsque nous sommes éveillés dans la vacuité, nous pouvons seulement parler de plénitude.

   Mais il existe une raison supplémentaire de ne pas reporter la mort véritable au dernier moment. Il y a un réel danger à rester prisonnier des expressions de la vie et, au moment de mourir, à mettre l'accent sur l'objet, de sorte qu'on est entraîné passivement vers l'au-delà. Passivement signifie ici «non-sciemment».

   On peut se poser la question suivante : « S'il n'y a pas de vie après ta mort, qu'importe la façon dont je meurs ». Il y a une différence. Il n'y a pas de vie après la mort, parce qu'il n'y a pas de mort. Il n'y a que la vie. La conscience n'est pas affectée par la naissance ou la mort. Il n'y a pas d'instant sans conscience, donc, après la mort du corps, la conscience est toujours là. Mais, dans la vie, l'on peut être éveillé ou non dans la conscience. Pour la plupart d'entre nous, après la mort, être la conscience est un phénomène passif. Il faut être sciemment la conscience, la conscience consciente d'elle-même, et ceci ne peut se produire qu'avant la mort du corps. Puisqu'en général nous ne nous connaissons qu'en tant qu'objet, peu nombreux seront ceux qui, après la mort, se dissoudront dans la conscience consciente d'elle-même. La conscience consciente d'elle-même est comblée, et ne recherche plus d'autre expression. Les résidus du corps se dispersent dans l'énergie globale et, de même, la conscience se dissout dans sa propre lumière. Personne ne va nulle part, et il n'y a nulle part où aller. Toutes les idées au sujet des différents états et étapes de la dissolution de l'énergie n'ont donc pas de sens pour celui qui est éveillé, mais sont un obstacle pour celui qui est engagé dans le processus du lâcher-prise de toutes les qualifications et de tous les attachements. De tels concepts sèment la confusion. Ce sont des constructions de l'esprit, puisqu'il n'y a plus personne pour savoir de telles choses. Tant que ces idées existent, il y a encore quelqu'un qui sait. Et tant qu'il y a quelqu'un qui sait, il n'y a pas eu de mort réelle.

   Chez la personne encore fixée dans le monde objectif, identifiée à la personnalité, à ses enfants, son épouse, son argent, sa vocation, etc., il est possible que l'énergie ait du mal à se dissoudre. Elle demeure concentrée. C'est pourquoi il existe des rites d'ordres divers aidant à dissoudre l'énergie, et à faciliter l'abandon de toute prise sur le monde phénoménal. Et c'est pourquoi, parfois, bien que le corps ne soit plus visible, des résidus de la personnalité peuvent subsister. On devrait accepter ceux-ci et consacrer plusieurs séances à se vider systématiquement de toutes les idées, souvenirs et sentiments liés à la personne défunte. C'est un processus d'élimination. On s'aperçoit alors que la relation contient bien plus que ce dont on se souvenait. La mémoire appartient à notre mental, mais ne limite pas la vraie relation.

   Il est indispensable de poser le problème de la souffrance physique liée à la mort. On se demande naturellement comment parvenir à un réel lâcher-prise en face d'une douleur aiguë. La première chose à clarifier est que la douleur doit être vue comme un objet parmi d'autres, dans la perspective que, fondamentalement, nous ne sommes pas un objet, et ne pouvons pas avoir peur ou ressentir la douleur. Nous devons donc être absolument clairs au sujet de notre profonde non-implication dans les événements qui entourent la sensation nommée par nous douleur ou maladie. Nous ne pouvons pas dire « j'ai peur, j'ai mal, je suis en train de mourir », parce que le « je » n'a pas changé et ne change pas. C'est le corps qui éprouve la sensation, et c'est le mental qui crée la peur. Une fois que l'on voit clairement ce que l'on n'est pas -le corps et les sensations, le mental et ses pensées-, la souffrance est réduite de manière considérable. Alors, on peut faire face directement à la sensation, à la maladie, sans interférence psychologique.

   La douleur, comme tout objet, pointe vers notre vraie nature. Elle doit être vue de façon objective, en face de nous, comme si le corps appartenait à quelqu'un d'autre. En l'objectivant, nous en sommes extirpés, nous ne sommes plus noyés dans la maladie, la sensation. Et, dans l'espace psychologique ainsi créé, il y aura un aperçu de la véritable liberté à l'égard de ce fardeau. Il ne suffit pas de vaguement constater cette brève sensation de détachement. Nous devons nous intéresser vraiment à cette sensation de liberté, c'est-à-dire en faire à son tour un objet d'attention, se nourrir et vivre dans cette libre sensation. Avec elle, vient la conviction que l'on n'est ni le corps sain, ni le corps malade.

  La maladie et la mort présentent l'opportunité, par excellence, de rectifier l'erreur fondamentale de notre existence, celle d'identifier la connaissance, la conscience, la vie, avec son objet. Et c'est à partir de cette méprise que tous conflits, toutes souffrances, surgissent. La maladie est alors un don, un don pour réaliser plus rapidement ce que nous ne sommes pas. Elle nous offre une opportunité que nous ne pouvons pas refuser : celle d'être ce que nous sommes. Le fait de vivre dans notre globalité stimule notre environnement, notre famille et nos amis. Je dirais qu'il stimule la vie en eux. Sciemment ou non, ils partagent la vie avec nous et, au moment de la mort, aucun de nous ne se sentira isolé. Cette sensation de vie demeurera et continuera de les stimuler, car la vie est éternelle et, en elle, nous sommes tous dans l'un.

   Mais, en général, la famille et les amis n'ont pas une relation honnête avec le mourant. Ils continuent, en quelque sorte, à s'accrocher, à tenter de sauver la personne. Ils ne la laissent pas rencontrer la lumière. Ceci, parce que la relation au sein de la famille est d'objet à objet, de personne à personne. Il vaut donc mieux que la famille ne soit pas présente au moment de la mort, si elle ne peut pas accomplir les rites ultimes, faire fonction de prêtre, c'est-à-dire mourir avec la personne.

   Il est important que le mourant offre consciemment les expressions de la vie, de manière consciente. Cependant, en certaines circonstances, la clarté peut être obscurcie par l'usage de médicaments. Au moment même du relâchement final, la nature se prend habituellement en charge et la douleur n'assombrit pas la conscience. Mais, même dans ce cas, le médecin porte une lourde responsabilité. Il doit représenter la santé, la vie et, comme le prêtre, préparer son patient au relâchement final. Le médecin doit également mourir avec son patient. Il a besoin de tout son talent pour l'aider d'abord à se distancier de son identification à l'objet, et pour ensuite évaluer précisément la quantité de médicament nécessaire à cette distanciation. Le patient doit conserver une conscience profonde de ce qui se passe.

   Prolonger artificiellement la vie, ou mettre fin prématurément à sa vie, est un profond manque de respect pour tout ce que la vie nous a donné. C'est un manque de gratitude, une profonde ignorance. La vie nous donne l'opportunité de naître réellement, et toute interférence est un refus de cette opportunité. Lorsqu'on s'éveille dans le vrai « Je », le destin de tout ce que nous ne sommes pas perd toute sa signification. La douleur, un accident, la mort font partie du film, mais nous sommes la lumière qui illumine le film. Donc, penser au destin du corps et tenter de s'interposer est une marque d'égocentrisme et un manque d'amour. Seul l'ego peut avoir des concepts et des intentions, et, aussi longtemps que nous vivons en tant qu'ego contracté, nous aurons une fausse vision de la vie.

   Ce que nous appelons généralement « ma vie » n'appartient qu'au mental, et semble donc avoir lieu dans la durée. L'illusion de la vie comme durée nous donne l'impression que nous pouvons intervenir. Cette vue erronée est parfois corrigée avant la mort, lorsque nous avons le souvenir panoramique de notre vie entière. Ceci a lieu grâce à un soudain relâchement de l'emprise du mental, de la canalisation de l'être dans une stricte succession du temps et de l'espace. Par ce soudain relâchement, nous sommes éjectés dans l'éternité, et chaque fait nous apparaît sans les qualifications habituelles de toutes les pensées interférentes. Ce panorama est vu généralement en temps de crise, lors d'un relâchement dramatique... Dans une mort naturelle, on se dissout doucement dans l’être.

   La mort réelle est donc la mort de la vie conceptuelle. La vie est présence, toujours, ici et maintenant, dans l'instant même. En l'absence de la « personne », il y a seulement la vie, l'action non-volitive. Vivre dans la non-volition, c'est vivre dans la joie. C'est seulement dans la vie non-intentionnelle qu'il y a acceptation, et c'est seulement dans l'acceptation, dans l'ouverture, que tous les éléments d'une situation peuvent être vus clairement. Lorsque nous vivons dans l'acceptation, la maladie n'a pas de prise, de substance, et nous avons alors de grandes chances de guérir. Tous les changements subis par le corps sont hypothétiques et transitoires, mais il n'y a rien d'hypothétique à ce que nous sommes réellement, c'est-à-dire la conscience. Elle est antérieure au corps, antérieure à la pensée. Elle existe entre deux concepts ou percepts. Elle est connaissance silencieuse, sans nom, sans attribut. Elle est le total abandon de toutes les qualifications, libre de toutes les identifications. C'est la présence éternelle que nous prenons pour une absence. Lorsqu'on vit sciemment dans cette présence, il n'y a pas de mort. Alors quand vous voyez le moment de partir, et que vous avez compris la manière de partir, je dirais même, appris la technique de l'abandon, c'est extrêmement beau. Mourir est alors remercier, le remerciement d'avoir eu l'opportunité de connaître la vie, d'être dans la connaissance, d'être le remerciement même. Dans le grand oubli de ce que nous ne sommes pas, la mort est la libération totale dans l'ouverture, l'ouverture à la lumière. 
 
Traduit de l'anglais par Agnès Lowy.Article extrait du journal de l'AIPS (Association Internationale de PsychiatrieSpirituelle), 2, 1994