Liberté d'expression, respect et éducation, Bernard Sellier

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Réflexions sur le monde de demain que nous bâtissons aujourd'hui...
   Vous trouverez dans cette rubrique des informations succinctes concernant divers domaines qui préparent notre avenir, celui de nos descendants, et... le nôtre si nous considérons que la réincarnation est réelle. Il ne s'agit bien sûr pas de développer des théories scientifiques ni même d'analyser des données qui échappent à nos cerveaux d'humain lambda ! Il s'agit simplement, à travers des anecdotes, livres ou articles, de réfléchir sur ce que la «science» nous prépare et de ne pas assister, totalement passifs, à la fabrication, par quelques puissances chez lesquelles le mot «désintéressement» n'existe pas, d'une terre à leur convenance financière.  
Liberté d'expression, respect et éducation...
     Article publié sur AGORAVOX  
 
      
L'émotion ressentie suite à l'assassinat récent du professeur Samuel Paty a été le déclencheur pour faire naître une nouvelle réflexion sur ce sujet hautement polémique qu'est la 'Liberté d'expression'.  

    La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 est très claire sur ce point. Dans l'article 11, celle-ci pose que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

    De son côté, la Loi de 1881 sur la liberté de la presse apporte le complément suivant : 
 
    Cette loi reconnaît la liberté d'expression dans toutes formes de publications sauf dans quatre cas déjà prévus dans le code pénal : 
 > Insulte, 
 > Diffamation, calomnie, 
 > Incitation à commettre des délits ou des crimes, si elle est suivie d'actes, 
 > Outrage aux bonnes mœurs et à la décence publique. 

    Les limites sont donc relativement claires. Ce qui en revanche l'est moins, c'est l'impact que peut générer cette 'liberté d'expression' à laquelle nous sommes tellement attachés. Prenons l'exemple des journaux satiriques, nés à la Révolution française. 'Le corsaire', 'La caricature', 'Le charivari' sont quelques titres apparus entre 1830 et 1835. Plus près de nous, naissent en 1915 'Le canard enchaîné', ou encore 'Hara-Kiri' apparu en 1960 et devenu 'Charlie hebdo' en 1970. Le fondement même de ces journaux, tout comme celui des chansonniers de jadis ou des humoristes d'aujourd'hui, est de pourfendre par tous les moyens écrits ou visuels les innombrables causes, sujets, attitudes, croyances ou personnes qui leur semblent d'excellents sujets pour ces traitements satiriques. Force est de reconnaître que leurs saillies sont souvent très pertinentes et drôles. 

    Mais peut-être est-il bon de regarder, au-delà du plaisir basique ressenti, les deux conséquences intimement liées qui en découlent :

 > L'impact de ces sarcasmes sur la vie de nos concitoyens.
 > La responsabilité de ceux qui en sont les auteurs.

    Examinons d'abord leur rôle sur l'éducation. L'un des piliers fondamentaux de celle-ci est l'exemple. Considérons la sphère de la santé. Quel poids un médecin fumeur aura-t-il pour persuader un de ses patients d'arrêter le tabac ? Dans le domaine de l'enseignement, comment un professeur violent dans son couple pourra-t-il induire chez les élèves de sa classe une attitude de respect et de paix mutuels ? De manière plus générale, de quelle manière d'innombrables organisations, même porteuses de buts nobles, peuvent-elles espérer favoriser une harmonie ou une concorde en 'luttant' contre quelque chose. Celles et ceux qui sont dans une position d'enseignant ou d'informateur ne doivent-ils pas être les premiers à donner l'exemple de ce qu'ils désirent voir éclore ?

    Depuis plusieurs décennies, les responsables de tous bords pointent la disparition du respect envers les institutions et leurs représentants. C'est un fait indéniable. Mais là encore une interrogation majeure se présente. Certes il est marrant de voir François Hollande assimilé à Flamby ou Emmanuel Macron déguisé en mousquetaire. Mais peut-on ensuite s'étonner que les jeunes - et les moins jeunes - ne manifestent plus de respect envers les éléments et personnalités qui incarnent l'état, puisque les journaux et les télévisions entrent dans le jeu du sarcasme ? L'équilibre est plus que difficile à tenir, c'est évident. Si les émissions humoristiques disparaissaient de nos écrans, il manquerait certes un pan de notre culture française. Mais jusqu'où est-il possible de rire sans devenir agressif vis à vis de l'autre, et de   tourner en dérision telle cible sans balayer le respect que l'on doit à chaque être humain ? Certains se souviendront de cette superbe scène du 'Cercle des poètes disparus', dans laquelle le professeur Keating dit à l'un de ses élèves : "Nous ne rions pas de vous, nous rions avec vous'. La nuance est particulièrement subtile.

    C'est ici qu'intervient la responsabilité de chaque amuseur, conséquence logique et inéluctable de ce qui a été soulevé ci-dessus. Nous avons déjà abordé le sujet il y a quelques années dans l'article : 'Liberté de la presse et responsabilité journalistique'. Tout ce qui, il y a une quarantaine d'années, n'était accessible que de manière réduite, se voit aujourd'hui répandu à l'instant dans n'importe point du globe aussi reculé soit-il.

    Il est évidemment difficile de demander au premier tweeter venu de s'interroger sur les conséquences de ce qu'il envoie sur le Net. En revanche, lorsqu'on est un journaliste, un enseignant, un animateur de programmes, un humoriste public, n'est-on pas censé se questionner sur les répercussions générées par les paroles ou les images que l'on transmet à autrui ? Après, le choix de la réponse appartient évidemment à chaque intervenant. Celui qui crée le 'Lâcher de salopes' est forcément conscient que le sketch ne va pas encourager le respect de la femme chez un grand nombre d'individus parfois déjà peu enclins à manifester des égards à leur encontre, et il l'assume.

    Pourtant, il semble que cette interrogation nécessaire sur le pouvoir des mots et des représentations, sur l'influence qu'ils ont dans une importante frange de la population, n'effleure personne. Tout se passe comme si le poids d'une 'liberté d'expression' impérative écrasait totalement toute amorce de réflexion sur les conséquences de celle-ci. Il est capital d'avoir la liberté de dire tout ce que la loi permet, mais il semble non seulement superflu, mais presque incongru, de regarder les effets de cette liberté sur autrui. C'est la raison pour laquelle il est d'autant plus étonnant que certains soient surpris de voir le respect envers les institutions et leurs représentants s'effilocher de plus en plus rapidement.  

    On ne saurait mieux conclure cette modeste réflexion qu'avec cette citation superbe de Victor Hugo, en parfaite adéquation avec le sujet :

    'Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité. Etre libre, rien n'est plus grave ; la liberté est pesante, et toutes les chaînes qu'elle ôte au corps, elle les ajoute à la conscience'. 
 
                                                                                                Actes et Paroles (1875-1876)