À la rencontre de guides et de textes inspirants... 
«Le degré de spiritualité n'a rien à voir avec ce en quoi vous croyez,  mais tout à voir avec votre état de conscience.»   Eckhart TOLLE 

                                                                                                     
SOHRAWARDÎ


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«Il ne suffit pas de lire des livres pour devenir un membre de la famille des Sages. Il faut entrer réellement dans la Voie sacro-sainte menant à la vision des Purs êtres de Lumière.»

   
 Le texte ci-dessous est extrait du site : Philosophie magazine.

 « Selon le philosophe et poète perse Sohrawardi, toute création inspirée possède une signification cachée. Une pensée lumineuse et libératoire pour Pacôme Thiellement, philosophe et exégète de David Lynch aussi bien que des auteurs gnostiques chrétiens. 
 
 J’ai longtemps fait de l’exégèse gnostique sans le savoir, comme une sorte de Monsieur Jourdain de la pop culture. J’analysais les chansons des Beatles ou des séries télévisées comme Twin Peaks ou Lost, comme si elles étaient des œuvres sacrées, mystiques. Ma formation n’est pourtant pas du tout liée à la pensée, à la littérature mystique ou à la métaphysique. Pour les lecteurs de ma génération, les philosophes les plus en vue étaient Deleuze, Nietzsche, Spinoza ou encore Agamben. Mais je sentais que je voulais aller vers quelque chose d’autre, sans toutefois me formuler précisément quoi. Par curiosité, j’ai lu les textes gno­s­tiques, ces textes concurrents de la doxa du christianisme. De là, je me suis découvert un intérêt prononcé pour l’ésotérique des religions et la philosophie hermétique, mystique. J’ai donc exploré de vastes champs consacrés à cet univers-là, et c’est ainsi que je me suis plongé dans l’œuvre de Sohrawardi. Il est inconcevable de lire ce grand philosophe et mystique iranien sans passer par son traducteur et commentateur Henry Corbin. Je me suis donc acheté les quatre volumes de sa somme, En islam iranien, comme un adolescent se procurerait l’intégrale de sa saga favorite. 
 
 Sohrawardi emprunte aussi bien à Platon et Aristote qu’à la tradition monothéiste de l’islam chiite. Ce qui m’a passionné, c’est l’idée de tripartition des mondes, et l’intérêt tout particulier de Sohrawardi pour le monde intermédiaire, celui de l’âme, qu’il situe entre le monde des idées purement abstrait et conceptuel, et le monde physique des corps. C’est vraiment une originalité de Sohrawardi par rapport à Platon, qui s’en tient à la binarité entre monde physique et monde des idées. Le monde de l’âme est celui de l’imagination, que Sohrawardi désigne par plusieurs termes : l’un, Alam al-Mithal, est traduit par “monde imaginal”, et l’autre, Al-Muthul al-Mu’allaqa, signifie “monde des formes en suspens”. Le monde de l’âme est aussi celui où transmigrent les âmes après la mort...

 Pour Sohrawardi, nous n’avons pas accès au monde de l’esprit, des idées, mais nous pouvons, y compris de notre vivant, accéder au monde de l’âme. Comment ? Via les rêves. Ils sont un espace intermédiaire où l’on expérimente des choses inaccessibles pour le corps. De ce monde viennent les visions. Les grands mystiques peuvent s’y rendre à n’importe quel moment et y emmener qui ils veulent. Sohrawardi dit que se rendre dans le monde de l’âme revient à se dévêtir de son corps comme d’un vêtement, comme d’une robe. Le monde de l’âme n’est pas quelque chose de figé. À vrai dire, nous composons le monde de l’âme de notre vivant : ce dont on nourrit notre âme nourrit le monde qu’elle sera amenée ensuite à habiter après la mort de notre corps. D’où l’appel à la création. Il faut écrire de la poésie pour nourrir le monde de l’âme ! Et les poèmes eux-mêmes en sont issus, ils le traversent jusqu’à nous. La poésie, l’art, la musique, toutes activités très importantes dans le soufisme, sont liées à la question de la composition du monde de l’âme. C’est pourquoi Sohrawardi est à la fois un métaphysicien, un artiste et un poète. Ses récits ont un aspect très libre, mais pas de façon gratuite. Il donne une saveur esthétique à son enseignement mystique, car il s’agit pour lui de s’aventurer dans un terrain inconnu, celui de l’âme.

 De là découle l’idée que des textes que l’on considère d’ordinaire comme profanes – la poésie, la fiction – sont en réalité sacrés puisqu’ils sont inspirés par un autre monde. Sohrawardi propose donc d’en faire l’exégèse, tout comme, dans les différents monothéismes, on fait l’exégèse du Coran et des hadiths, de la Torah et de la kabbale, de la Bible et des textes des Pères de l’Église. Si un texte, une œuvre, se donne comme inspirée, c’est donc qu’elle a une dimension sacrée. Cela m’a totalement libéré dans mon travail d’interprétation, d’exégèse de la pop culture. Prenez Twin Peaks : David Lynch ne nous donne aucune explication sur ce qu’il fait, c’est l’une de ses œuvres les plus mystérieuses qui soit – ce qui n’est pas peu dire. Mais loin de penser “c’est du grand n’importe quoi”, nous sentons au contraire que cette œuvre nous parle, qu’elle a une signification cachée qu’il nous faut déchiffrer, découvrir. D’où l’exégèse qui me paraît ici légitime. Sohrawardi écrit : “À toi incombe la tâche de lire le Coran comme s’il avait été révélé pour ton propre cas.” Cela signifie qu’un livre censé avoir une signification donnée par Dieu n’a en fait été révélé que pour toi. À toi seul revient donc la tâche de le lire. Et cela est vrai de tout texte sacré, y compris d’un poème de Baudelaire, dès lors qu’il se donne comme inspiré. Et je me suis dit : à toi incombe la tâche de voir Twin Peaks comme si elle avait été révélée pour ton propre cas. Mais tout le monde peut se dire la même chose ! »

 À suivre sur le site...