12 Years a slave, film de Steve McQueen, commentaire

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

12 years a slave,
      2013, 
 
de : Steve  McQueen, 
 
  avec : Michael Fassbender, Chiwetel Ejiofor, Lupita Nyong'o, Sarah Paulson, Paul Dano, Benedict Cumberbatch, Brad Pitt,
 
Musique : Hans Zimmer

 Solomon Northup (Chiwetel Ejiofor) mène une vie tranquille à Saratoga avec sa femme Margaret (Quwenzhane Wallis) et ses deux enfants. Après une soirée copieusement arrosée avec deux personnes qu'il considère comme des amis artistes, il se retrouve enchaîné et vendu comme esclave en Géorgie... 
 
 Directement inspiré du livre autobiographique écrit par Solomon Northup en 1853, le film nous plonge sans ménagements dans l'enfer vécu par les esclaves du sud américain. Hormis un court face à face entre l'abolitionniste Bass (Brad Pitt) et le monstrueux Edwin Epps (Michael Fassbinder, toujours intensément charismatique), aucun débat n'est engagé sur le fond. L'oeuvre se focalise totalement sur la condition radicalement inhumaine qui est faite aux Noirs, par le biais d'un couple de tortionnaires déversant sur leurs victimes une haine viscérale et un sadisme bestial, cautionnés, comme il se doit, par les "Saintes" Ecritures. Steve McQueen n'épargne rien au spectateur. Pourtant, malgré l'intensité presque insupportable de certaines scènes, le qualificatif de "complaisant" ne semble pas adéquat. En revanche, il est évident que, dans l'immersion émotionnelle sans doute vécue par le réalisateur, il était quasiment indispensable d'imposer au regard la vision des abominations qui, comme ce fut le cas de manière différente pour les Indiens, ont constitué le ciment de la construction de cette nation qui donne tant de leçons au reste du monde. Mais, au-delà du réalisme brut qui tord les entrailles, le drame vécu par Solomon offre aussi une réflexion sur l'insondable puissance de résistance humaine, avec en filigrane permanent ce dilemme infâme : l'être doit-il survivre coûte que coûte, plier sans rompre, au risque de s'avilir, ou bien doit-il mourir dans la résistance primaire, ce qui équivaut à un suicide ? La réponse ne peut évidemment qu'être individuelle. Même après avoir été arraché à ce cauchemar, même après avoir courbé l'échine pour traverser les épreuves les plus terribles, la brisure est tout de même là, psychologique et peut-être indélébile, puisque les premiers mots de Solomon, au moment où il retrouve sa famille, sont une demande de pardon ! Comme si les punitions corporelles infligées par les tortionnaires sudistes avaient transformé cet homme juste et bon en un véritable coupable ! 
 
 Certes, le regard du réalisateur ne s'élève guère au-dessus de la crudité réaliste, ce que certains pourront lui reprocher. Il n'empêche que, tel quel, l'oeuvre interpelle profondément notre nature sensible d'êtres humains. Et c'est peut-être, plus encore que le destin hors normes de Solomon, la détresse insoutenable de la petite Patsey (Lupita Nyong'o), qui, durablement, s'imprimera dans notre souvenir.
 
  Bernard Sellier