Les Anges exterminateurs, film de Jean-Claude Brisseau, commentaire

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Les anges exterminateurs,
         2006, 
 
de : Jean-Claude  Brisseau, 
 
  avec : Frederic Van den Driessche, Marie Allan, Maroussia Dubreuil, Sophie Bonnet, Raphaële Godin, François Negret, Lise Bellynck,
 
Musique : Jean Musy

  
 
François (Frédéric van den Driessche) est réalisateur. Fort troublé par les confidences de Virginie (Virginie Legeay), qu'il n'avait pourtant pas choisie pour son précédent film, il décide, deux ans après, de tourner une oeuvre sur le plaisir féminin et les interdits qui s'y attachent. Mais les jeunes filles refusent de se lancer dans l'aventure, lorsqu'elles ont connaissance des expériences sexuelles qu'elles devront vivre devant la caméra. Jusqu'à ce qu'il fasse la connaissance de Julie (Lise Bellynck), Charlotte (Maroussa Dubreuil) et Stephanie (Marie Allan)... 
 
 L'œuvre est un film dans le film, une sorte de documentaire fictionnel sur la tentative du metteur en scène François (excellent Frederic van den Driessche, à la fois révérencieux et malsain), autrement dit Jean-Claude Brisseau, de plonger, à travers les essais d'actrices, dans le mystère de la sexualité féminine. Cette recherche idéale se fond dans la dure réalité, puisque François, tout comme le réalisateur, se voient accusés par certaines jeunes femmes, de harcèlement sexuel. Il faut reconnaître que, tout au moins au début, les motivations intérieures du cinéaste ressemblent plus à un prétexte qu'à une quête authentique. Comment appréhender par l'intellect, voire même par les sens, ce qui relève de l'immatériel, ce qui appartient à la partie la plus subtile de l'être, à son essence même. Cette exploration folle, dont l'aboutissement ne peut qu'être frustrant (et il l'est, d'ailleurs, puisque, in fine, François avoue n'avoir jamais obtenu ses réponses), fait souvent penser à l'aberrante invitation des Témoins de Jéhovah, qui proposent à chacun de "parler de l'Amour de Dieu". Il est tout à fait possible de disserter encore durant des millénaires sur ce sujet, et le monde continuera à souffrir inexorablement. "Vivre" l'Amour divin, tout comme "vivre" l'extase, est l'unique source, non explicable, non transmissible, de la béatitude et de la vraie Connaissance. 
 
 L'entreprise de Jean-Claude Brisseau paraît donc, dès l'origine, condamnée à l'échec. Pourtant, au fil des rencontres, des aveux intimes, des confessions viscérales, le spectateur se laisse emporter par la beauté qui émane des visages, par l'étonnant respect que François manifeste envers celles dont il quête le cheminement intérieur vers l'amour. Origine du désir, de l'excitation, pouvoir de l'imaginaire, du fantasme, de la dépendance, du regard extérieur, ambiguïté des liens entre le réalisateur et ses "créatures"... Les réponses ne sont pas au rendez-vous, mais l'expression poétique des corps enlacés, enfiévrés, les remplacent souvent avantageusement. Dommage, vraiment, que ces incursions d'êtres désincarnés et de voix d'outre-tombe introduisent, dans cet hymne au lyrisme charnel, un ridicule inutile.
   
Bernard Sellier