Annie Hall, film de Woody Allen, commentaire

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Annie Hall,
       1977,  
 
de : Woody  Allen, 
 
  avec : Woody Allen, Diane Keaton, Christopher Walken, Carol Kane, Janet Margolin, Shelley Duvall, Tony Roberts,

Musique : ???

  
 
Alvy Singer (Woody Allen) est un humoriste apprécié, mais particulièrement fragile psychologiquement. Une psychanalyse de quinze ans ne semble guère avoir harmonisé les différentes composantes de sa personnalité. Annie Hall (Diane Keaton) voudrait devenir chanteuse, mais son manque de confiance handicape sa réussite. Elle fait un jour la connaissance d'Alvy, divorcé déjà deux fois, et succombe à son charme. Mais, comme il est facile de le deviner, les relations entre ces deux individualités pathologiques ne seront pas souvent couleur rose bonbon... 
 
 Un pétillement permanent de l'esprit, une créativité toujours en ébullition, c'est le Woody Allen à l'orée de sa grande période créatrice. Le plus remarquable réside sans doute dans le fait que le scénariste réalisateur donne l'impression de livrer une oeuvre simpliste, primaire, parfois foutraque, alors que celle-ci regorge de richesses multiples, d'inventivité narrative. Dédoublement visuel des personnages schizophréniques ; prise à témoin du spectateur ; écrans divisés ; dessins animés ; messages de l'inconscient en incrustation sous-titrée, tandis que les personnalités échangent des paroles contrefaites... Chaque séquence nous précipite dans une aventure intérieure nouvelle qui s'expose avec des couleurs inédites.  
 
 L'une des premières images, celle de montagnes russes dans une fête foraine, symbolise parfaitement la manière dont Woody Allen construit son oeuvre. Il possède l'art souverain de passer, en quelques dixièmes de secondes, d'un genre à un autre, d'une cime culturelle à un abîme matériel. Capable de changer d'avis comme de chemise, Alvy est un caméléon de première grandeur. Mais son art de sauter avec un naturel confondant du coq à l'âne, de jouer avec les mots, les idées, les apparences, fait que ces oscillations aussi extrêmes que jouissives participent à l'illusion générale. Qu'il assène ses réflexions philosophico-psychanalytiques, sa conception noire ébène de l'état humain ("il n'y en a que 2 : l'horrible et le misérable !"), ou qu'il zigouille à coups de raquette de tennis une araignée, il demeure fidèle, de façon immuable, à son thème récurrent : l'interpénétration de la fiction et de la réalité dans l'être. Face à une Diane Keaton élégante, radieuse, Woody Allen ressemble à un papillon au vol désordonné, haletant, excité, mais toujours excitant et intensément vivant. Logorrhéique incorrigible (amenant parfois l'auditeur au bord de l'épuisement !), il compose avec délices une mosaïque hyper-concentrée des myriades de facettes qui cohabitent dans la personnalité humaine. Un régal...
   
Bernard Sellier