Apocalypse Now, film de Francis Ford Coppola, commentaire

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Apocalypse now,
        1979, 
 
de : Francis Ford  Coppola, 
 
  avec : Marlon Brando, Martin Sheen, Robert Duvall, Frederic Forrest, Laurence Fishburne, Harrison Ford, Dennis Hopper, Scott Glenn,
 
Musique : Richard Wagner, Carmine Coppola

 
 
Fin 1968. Le Capitaine Willard (Martin Sheen), des Forces Spéciales, se morfond à Saïgon en attendant qu'on lui confie un boulot quelconque. Il rentre d'une permission aux Etats-Unis, et tente d'oublier, dans la boisson, que sa femme a demandé le divorce. Il reçoit enfin un jour la mission qu'il attend : ordre lui est donné par le Général Corman (G.D.Spradlin), de remonter la rivière Nung jusqu'au Cambodge, afin de liquider définitivement un Colonel devenu incontrôlable et fou, Walter E. Kurtz (Marlon Brando). Un long périple semé de combats commence. Le premier est mené de manière plus qu'originale par le Colonel Bill Kilgore (Robert Duvall)... 
 
 Alors que tant de films de guerre ne trouvent leur impact sur le spectateur que dans une surenchère de la violence et du réalisme, certains, sans pour autant occulter l'horreur quotidienne et instantanée, impriment durablement leur marque pour de tout autres qualités. "Apocalypse Now" est sans doute, à ce jour, le chef-d'oeuvre incontestable du genre. Tour à tour baroque, sauvage, poétique, lyrique, délirant, initiatique, il intègre, malaxe, digère, de façon magistrale tous les aspects hétéroclites, antinomiques qui se heurtent dans cet univers en décomposition. Ce sont des centaines de lignes qui seraient indispensables pour disséquer chaque scène, pour célébrer le spectaculaire, l'intimiste, le grandiose, l'incongru, l'esthétisme opératique, qui habitent chaque séquence. La plus célèbre demeure, bien sûr, l'attaque des hélicoptères du Colonel Kilgore (impayable et inquiétant Robert Duvall, toujours à la limite de l'aliénation, son chapeau de cow-boy vissé sur le crâne, obsédé de surf et jetant ses "cartes de la mort" sur les ennemis tués au combat...), menée sur la musique de la "Chevauchée des Walkyries" de Richard Wagner. Mais ce passage est un parmi une myriade d'autres (le show en plein coeur de la jungle, l'arrivée chez les Français, le débarquement dans l'antre de Kurtz...), tous imprégnés d'une profondeur, d'une intensité dramatique, d'une inspiration rarement égalées.  
 
 Et lorsque, au bout de deux heures trente d'une expérience visuelle et narrative quasiment inconnue jusqu'alors, apparaît enfin ce personnage mythique dont la prétendue folie a couru, en filigrane, durant cette longue épopée, non seulement l'intérêt ne faiblit pas, non seulement la dramaturgie ne s'étiole pas, mais au contraire la tragédie creuse de nouveaux sillons, découvre de nouvelles sources d'inspiration, dans la démence mystique qui habite et environne ce gourou. Le décor se fait psychédélique, les comportements appartiennent à une autre galaxie, la vie s'écoule hors du temps terrestre.  
 
 Cette expédition hors du connu, du répertorié, hors de la raison, habitée en permanence par un génie créateur hautement inspiré, écrase la quasi totalité des oeuvres du genre de son inventivité irréelle, vertigineuse, et de son horrible magnificence. A mon sens, une des réalisations cinématographiques majeures de tous les temps, qui parvient à jouer sur toutes les octaves de la réceptivité émotionnelle.
   
Bernard Sellier