Babel, film de Alejandro González Iñárritu, commentaire

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Babel,
      2006,      
  
de : Alejandro González  Iñárritu,
 
  avec : Brad Pitt, Cate Blanchett, André Oumansky, Trevor Martin, Michael Maloney, Peter Wight, Harriet Walter, Gael Garcia Bernal,
Elle Fanning, Adriana Barraza, Rinko Kikuchi,

 
Musique : Gustavo Santaolalla


 
Richard Jones (Brad Pitt) et sa femme Susan (Cate Blanchett) font un voyage au Maroc pour tenter de retrouver une certaine sérénité après la mort de leur bébé. Ils ont laissé aux Etats-Unis leurs deux autres enfants, Debbie (Elle Fanning) et Mike (Nathan Gamble) aux soins de leur nourrice d'origine mexicaine, Amelia (Adriana Barraza). Au cours d'un parcours en autocar dans le désert, Susan reçoit une balle de fusil de chasse, tirée pour jouer par les enfants d'Abdullah (Mustapha Rachidi), qui venait d'acheter l'arme pour protéger ses troupeaux des chacals. La jeune femme, gravement blessée, est amenée dans un village isolé, en attendant la venue hypothétique d'une ambulance. Pendant ce temps, Amelia, ne pouvant être remplacée, décide d'emmener les deux enfants avec elle au mariage de son fils au Mexique... 
 
 Fidèle aux choix narratifs qu'il a développés avec une incontestable maîtrise depuis "Amours chiennes" et surtout "21 Grammes", le réalisateur traque les fils invisibles qui tissent les voiles du destin, qui relient entre eux des événements apparemment sans lien perceptible. A l'intérieur de ce drame intime, social, politique, humain, sont juxtaposées avec un naturel et une évidence confondants les séquences aux tonalités les plus diverses. L'exubérance joyeuse d'un mariage mexicain, la solitude mortelle d'un homme qui assiste, impuissant, à la lente agonie de sa femme, la détresse intérieure d'une jeune nippone orpheline de mère, sourde et muette, toutes ces émotions cohabitent sans se heurter, sans se phagocyter, simplement en manifestant leur actualité propre. Peut-être la réussite globale de l'oeuvre est-elle moins immédiatement saillante que dans "21 Grammes". On a parfois la sensation, notamment dans la partie nippone du drame, que certaines trajectoires du récit s'intègrent avec moins de force dans la spirale de l'ensemble. Il n'en demeure pas moins que Alejandro González Iñárritu n'a pas son pareil pour transcrire les palpitations des coeurs, pour faire vibrer les cordes sensibles des âmes. Chacune de ses créations est une illustration aussi simple qu'évidente de la manifestation karmique qui fait se succéder sans fin les causes et les effets dans chacune de nos incarnations.  
 
 Dans son "roman" : "Par le corps de la Terre", Satprem a décrit avec une poésie délicate cette suite infinie de "hasards" : 
 
   « Qu’est-ce qui réunissait nos trois vies, quelle histoire ? Oh ! J’ai cherché des miracles, et maintenant que je n’en cherche plus, il me semble en voir partout. Ils disent « le hasard », mais quoi ? Le plus petit de ces hasards brille comme une étoile dans la grande forêt du monde ; et, parfois, il me semble qu’un geste fortuit, une petite seconde d’inattention, un sautillement à droite plutôt qu’à gauche, une plume d’oiseau, un rien qui souffle, contient un monde de préméditation vertigineux - et peut-être... Peut-être ne voyons-nous pas tout ce qui relie ces moments, l’invisible fil qui s’enfonce à travers les siècles et rattache cette seconde éblouie, cette soudaine croisée des chemins, cette graine qui vole, à une autre histoire inachevée, une ancienne promesse non tenue, une colline oubliée, une fontaine d’autrefois où deux êtres s’étaient souri en passant. Où est le commencement de l’histoire ?... 
 
   ...Quelquefois, je crois qu’il y a plus de mystère dans un rien qu’on heurte par hasard, que dans toutes les infinitudes du ciel, et que la clef du monde n’est pas dans l’infiniment grand, mais dans un minuscule clin d’œil surpris au piège... »

   
Bernard Sellier