Basic instinct, film de Paul Verhoeven, commentaire

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Basic instinct,
         1992, 
 
de : Paul  Verhoeven, 
 
  avec :  Michael Douglas, Sharon Stone, Jeanne Tripplehorn, Dorothy Malone, George Dzundza, James Rebhorn,
 
Musique : Jerry Goldsmith


  
 
Nick Curran (Michael Douglas) est flic à San Francisco. Il est appelé à enquêter, en compagnie de son collègue Gus (George Dzundza) sur la mort de Johnny, tué sauvagement avec un pic à glace. La première personne suspecte est une jeune femme, Catherine Tramell (Sharon Stone) qui vit avec une amie, Rocky, avait des relations sexuelles avec le mort, et a écrit un livre qui décrit un meurtre similaire ! Tout cela n'est que la partie émergée d'un iceberg monstrueux, le début d'une sombre descente dans l'enfer de l'illusion, de la haine et des troubles mentaux... 
 
 En effet, si la trame de base est on ne peut plus classique : la traque d'un meurtrier particulièrement sauvage et retors par un flic déboussolé, ce cadre rigide et convenu ne tarde pas à être pulvérisé par Paul Verhoeven. Dès la scène d'ouverture, le ton est donné. La violence, chère au metteur en scène, est partout. Dans les meurtres, bien sûr, mais tout autant, sinon plus, dans les relations entre les personnages, qu'ils soient flics ou non, ou dans les scènes "d'amour" qui tiennent plus du combat de fauves que de l'union sacrée. Les corps s'entremêlent, s'entrechoquent, comme si l'urgence était de faire jaillir une seconde de lumière dans un océan de désespoir, de peurs et de ruines. 
 
 Le pivot central semble reposer sur la confrontation pathologique des deux personnages principaux. C'est une facette de la réalité. Mais n'est-ce pas une illusion de plus ? Aussi bien Nick que Catherine sont des pantins qui s'agitent frénétiquement pour tenter d'émerger de la chape de plomb qui les oppresse. Qui tire les ficelles de cette pantomime tragique et dérisoire ? Le personnage majeur ! Celui qui est symbolisé dans le Tarot de Marseille par l'Arcane XIII : "Arcane sans nom"... pour ne pas écrire : la Mort, la Grande Faucheuse ! C'est elle qui manipule les esprits, égare les sentiments, provoque la lacération des corps. C'est elle et son habituelle compagne de rabattement, la Peur, qui distribuent les cartes à chaque personnage et jouent à les fracasser les uns contre les autres... 
 
 Paul Verhoeven orchestre un ballet fulgurant d'êtres désaxés, écrasés par un passé tragique et culpabilisant, à la recherche éperdue de leur vérité et de leur authenticité. Le scénario, fluet dans les premières minutes, se densifie au fur et à mesure que les ombres s'épaississent et que les masques tombent les uns après les autres. Les polarités simples du commencement : - le flic : l'ordre ; la femme fatale : le mal -, s'inversent puis jouent à s'entremêler, à l'image des corps. 
 
 Michael Douglas, toujours particulièrement à l'aise dans l'incarnation d'êtres déstabilisés , pour ne pas dire désaxés (on se rappelle sa composition glaçante et psychotique de "Chute libre") traduit remarquablement ce policier glauque, rongé par la culpabilité et aspiré inéluctablement par celle qu'il considère comme coupable et qu'il désire comme on aime le couperet qui libère à jamais de la souffrance. 
 
 Mais la grande révélation de cette oeuvre foisonnante est, à coup sûr, Sharon Stone ! Il est amusant et triste à la fois de penser qu'à la sortie du film l'intérêt se portait sur la scène de l'interrogatoire et sur la présence ou l'absence de sa petite culotte ! Que cela paraît dérisoire ! Tout au long du film, elle symbolise l'obscurité, la noirceur, la fureur, la préméditation froide et inhumaine. Et, paradoxalement, elle éclate de blondeur lumineuse, de transparence naïve. Tour à tour femme-volcan et femme-fleur, araignée diaphane prise à son propre piège, dans une fuite désespérée de tout ce qui pourrait construire son équilibre et son bonheur. Ce paradoxe permanent habite l'oeuvre jusqu'à l'ultime image : celle d'un objet de mort qui se transmute en un commencement de vie nouvelle... 
 
 Une œuvre violente, riche et envoûtante.
   
Bernard Sellier