Before the rain, film de Milcho Manchevski, commentaire

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Before the rain,
       1994, 
 
de : Milko  Manchevski, 
 
  avec : Katrin Cartlidge, Grégoire Colin, Rade Serbedzija, Jay Villiers, Labina Mitevska,
 
Musique : Zlatko Origjanski, Zoran Spasovski, Goran Trajkoski

   
 
L'œuvre se présente sous forme de trois parties distinctement séparées. La première s'intitule "words". La scène se déroule en Macédoine. La guerre qui sévie dans la Bosnie voisine, s'insinue dans les esprits et menace les corps. Une jeune Albanaise musulmane, Zamira (Labina Mitevska ), accusée d'avoir tué un chrétien, se cache dans la cellule d'un jeune moine orthodoxe, Kiril (Grégoire Colin), qui a fait voeu de silence. Mais les poursuivants investissent le monastère... 
 
 La deuxième partie, "Faces", à l'atmosphère bien différente, se situe à Londres. On y voit une jeune femme, Anne (Katrin Cartlidge), apprendre qu'elle est enceinte et se trouver confrontée à son amant de coeur, le photographe Aleksander (Rade Serbedzija), puis à son mari, Nick (Jay Villiers). 
 
 Enfin, c'est le retour, après deux décennies d'absence, d'Aleksander dans son pays d'origine, la Macédoine, qui occupe la troisième partie, "Pictures". 
 
 Sans emphase, avec une simplicité profondément humaine, Milko Manchevski tisse la trame de plusieurs existences qui finissent par s'enchevêtrer. Le monde, qu'il soit oriental ou occidental, dans lequel évoluent tous ces personnages est sombre, dangereux, voire mortel. La guerre est présente dans les mentalités, jamais visualisée à l'écran. Mais on sent parfaitement son insidieuse destruction des relations entre voisins, entre habitants d'une même région depuis des lustres. Paradoxalement, la violence qui devrait être la conséquence logique de sa propagation, apparaît principalement, de façon horrible et dérisoire, dans la seconde séquence, au sein d'un luxueux restaurant londonien, sous les doigts d'un amoureux bafoué, gagné par une folie meurtrière.  
 
 Les personnages qui évoluent sous nos yeux sont des êtres humbles, qui, à un instant précis de leurs vies, se trouvent confrontés à une alternative cruciale. En quelques fractions de secondes, le choix qu'ils opèreront décidera de l'avenir qui est réservé à eux-mêmes, mais aussi à ceux qui les approchent en cet instant. L'impression d'éclatement narratif que l'on ressent pendant la plus grande partie de l'histoire, se résout dans un final dramatique, qui fait éclater, aux yeux du spectateur, la toile d'araignée que constituaient les fils de ces vies apparemment disparates. Avec une économie de moyens, de mots, dans une stylisation épurée, le réalisateur parvient à rendre palpables cette désagrégation du tissu relationnel humain, l'installation de ces haines irrationnelles, l'engrenage infernal de la fureur aveugle. Et la construction particulière de la narration contribue grandement à renforcer cette impression glaçante d'enfermement de l'homme dans un destin qui le broie inéluctablement. 
 
 Une œuvre magnifique dont la désespérance fondamentale est tempérée par le voile de résignation qui plane sur elle. Un seul regret, le doublage parfois décevant pour certains personnages.
   
Bernard Sellier