Birth, film de Jonathan Glazer, commentaire

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Birth,
         2004, 
 
de : Jonathan  Glazer, 
 
  avec : Nicole Kidman, Anne Heche, Cameron Bright, Danny Huston, Lauren Bacall, Peter Stormare, Ted Levine,
 
Musique : Alexandre Desplat

   
 
Anna (Nicole Kidman) est sur le point d'épouser (après plusieurs années d'hésitation) Joseph (Danny Huston). Un jour, alors que la jeune femme fête avec sa sœur Laura (Alison Elliott) l'anniversaire de leur mère, Eleanor (Lauren Bacall), un petit garçon d'une dizaine d'années, Sean (Cameron Bright), s'introduit dans l'appartement et demande à lui parler seul à seule. Il lui révèle qu'il est Sean, son mari décédé d'une crise cardiaque dix ans plus tôt. D'abord agressive, Anna finit, au bout de quelques jours, par croire à l'impossible, d'autant plus que l'enfant connaît des détails intimes dont elle n'avait parlé à personne. Cette situation ne réjouit évidemment guère le futur époux... 
 
 Allions-nous enfin, avec ce film, être gratifiés de l'œuvre moderne, intelligente, passionnante sinon passionnelle, envoûtante, que mérite le sujet de la réincarnation. Il est à noter que cette conception évolutive du conscient vivant et humain, qui revêt des formes très diverses (allant jusqu'à la métempsycose, qui admet le retour possible dans un règne "inférieur" à celui précédemment occupé), possède une origine très ancienne. Ce qui est particulièrement intéressant, c'est que, contrairement à nombre de ses consœurs (terre plate, luminaires accrochés au ciel...), qui ont rapidement été infirmées, cette hypothèse, loin d'être contredite par la science, semble de plus en plus en adéquation avec les nouvelles avancées physiques, qui auraient tendance à envisager une permanence de la mémoire, une forme de "suivi" de conscience. Sur un plan plus "humain", les milliers d'enquêtes effectuées par Ian Stevenson sur des personnes se remémorant leurs vies passées ("20 cas suggérant le phénomène de réincarnation"), viennent également soutenir, voire renforcer cette théorie, qui demeure toujours, pour la majorité des Occidentaux, une farce grossière. 
 
 Pour reprendre la question primordiale, "Birth" allait-il bouleverser notre scepticisme, ou, tout au moins, notre émotionnel ? Une ouverture ascétique et sobre. Une Nicole Kidman dont on ressent, dès les premières minutes, l'intense implication. Un refus du spectaculaire, qui renforce la crédibilité générale, se maintient jusqu'à la fin et constitue l'une des qualités du film... Tout se présentait sous les meilleures auspices.  
 
 Malheureusement, la réponse à la question est : non ! L'image de cette ombre impersonnelle que l'on voit de dos, dès les premières secondes, courant sur un sol gelé dans un parc désert, donne le ton qui gangrène le récit : la froideur. Si l'on fait abstraction du feu que l'on devine rongeant le cœur d'Anna, et que Nicole Kidman traduit avec une subtilité bouleversante, tout l'environnement n'est qu'une steppe glaciale où évoluent des personnages sans épaisseur, qui sont, au mieux, des rouages secondaires (Clara, Joseph), au pire des présences dont on voit mal l'intérêt. C'est particulièrement le cas de Clifford (Peter Stormare), qui, de prime abord, semble porteur d'un profond secret, mais qui, in fine, se révèle quasiment inutile. 
 
 L'intrigue elle-même, porteuse de promesses, prend un virage qui n'est pas sans faire penser au "Village" de Night Shyamalan, et laisse retomber un soufflé qui, grâce à Nicole Kidman, commençait à lever efficacement. La mise en scène, dépouillée à l'extrême, mais bien languissante, semble traquer l'invisible, l'indicible, au creux des visages. En quête d'une improbable ascèse, elle ménage des plages d'immobilisme qui se veulent des moments d'introspection inspirée, mais ressemblent bigrement à des passages à vide.  
 
 Reste le cas de Sean. Personnalité intéressante, mais choix de l'acteur étonnant. Certes, il s'intègre parfaitement dans le style général de l'œuvre, mais son regard figé et sa physionomie inexpressive finissent par peser lourdement sur un ensemble présumé tragique, qui ne brille, ni par son élan intérieur, ni par son éclat extérieur. Vraiment dommage que seule cette merveilleuse Anna illumine une réalisation étrangement éteinte.
   
Bernard Sellier