Brazil, film de Terry Gilliam, commentaire

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Brazil,
       1985, 
 
de : Terry  Gilliam, 
 
  avec : Robert De Niro, Jonathan Pryce, Ian Holm, Bob Hoskins, Ian Richardson, Barbara Hicks, Jim Broadbent, Kim Greist, Michael Palin,
 
Musique : Michael Kamen

   
 
Dans un avenir indéterminé, le monde est devenu la propriété d'une machinerie sans âme dans laquelle la bureaucratie est reine. Les services des Archives et de la recherche d'information croulent sous des tonnes de paperasses. Aucune faute n'est permise. Pourtant c'est une erreur de frappe, causée par un insecte minuscule et dérisoire, qui va faire basculer la vie du tranquille Sam Lowry (Jonathan Price), affecté aux archives. Archibald Buttle (Brian Miller), un paisible père de famille, est brutalement arrêté par la police alors que la cible visée était Archibald "Harry" Tuttle (Robert de Niro), ouvrier chauffagiste rebelle et indépendant. Sam fait la connaissance fugace d'une mystérieuse et jolie jeune femme, Jill Layton (Kim Greist), et désormais ne pense plus qu'à la retrouver... 
 
 Devenue, à juste titre, culte au fil des ans, cette oeuvre visionnaire, symbolique, bourrée d'inventivité visuelle et narrative, laisse le spectateur totalement déconcerté. Doit-il rire aux éclats devant ces délires hyper-courtelinesques, dans lesquels l'ogre de la bureaucratie dévore à n'en plus finir des montagnes de papiers totalement inutiles ? Ou bien doit-il pleurer d'affliction et de désespoir devant ce piétinement de la personnalité humaine, absorbée symboliquement dans ces kilomètres de tuyaux, véritables serpents-entrailles d'un système impersonnel, invisible et dégénéré ? A vrai dire, c'est une oscillation perpétuelle entre ces extrêmes qui emporte le témoin de cette descente aux enfers à la fois prémonitoire et régressive ( la déshumanisation qui est en cours actuellement prendra sans nul doute une apparence beaucoup plus moderne et policée que celle proposée ici ! ). Avec pour seuls échappatoires ponctuels, comme pour le pitoyable héros de l'histoire, un envol onirique sous la forme d'un chevalier Icare en armure parcourant l'espace pour sauver sa belle des griffes d'un monstre mécanique. Grâce à des décors fantasmagoriques particulièrement réussis, à une mise en scène débordante d'imagination créatrice, le réalisateur nous plonge corps et âme dans un univers cauchemardesque, mortifère, dont l'individu ne peut s'échapper que sous forme de bouillie puante, à l'image d'Ida Lowry (Katherine Helmond), obsédée par le rajeunissement du véhicule corporel, ou sous forme de zombie amnésique, perdu dans son rêve d'amour impossible. 
 
 Une grande réussite aussi jouissive que traumatisante.
   
Bernard Sellier