Brubaker, film de Stuart Rosenberg, commentaire

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Brubaker,
     1980, 
 
de : Stuart  Rosenberg, 
 
  avec : Robert Redford, Yaphet Kotto, David Keith, Morgan Freeman, M. Emmet Walsh, Everett McGill, Joe Spinell, Murray Hamilton,
 
Musique : Lalo Schifrin

   
 
Le pénitencier de Wakefield est un enfer. Une nouvelle cargaison de détenus arrive "en pension". Parmi eux, un homme étrange, Henri Brubaker (Robert Redford). Il assiste pendant quelques semaines, passivement, aux exactions et violences en tous genres des condamnés "sur parole", transformés en gardiens. Le jour où Walter (Morgan Freeman) pète les plombs, il jette le masque. Il n'est pas un condamné anonyme, mais le futur directeur de la prison, envoyé par les services du Gouverneur afin de mettre fin au désordre que son prédécesseur a laissé s'installer. Mais réformer n'est pas entreprise aisée... 
 
 Difficile fonction que celle de "justicier". Il ne faut d'ailleurs pas prendre ce mot dans le sens basique de vengeur. Le but que Brubaker entend atteindre n'est pas tant la condamnation des sadiques, que la réintroduction d'un minimum de respect et d'humanité dans un univers pourri jusqu'au coeur. L'intention est plus que louable, et Robert Redford, obstiné, arc-bouté sur ses conceptions de la droiture, se montre tout à fait convaincant. Le glissement qui, sous la pression courageuse de Brubaker, s'opère de la noirceur sauvage interne à la noirceur policée des responsables politiques, est, lui aussi, intéressant. En revanche, si un certain nombre de personnages secondaires se détachent de la foule (Larry Lee Bullen (David Keith), Larry Lee Bullen (Yaphet Kotto), Huey Rauch (Tim McIntire), C.P. Woodward (M. Emmet Walsh)), l'atmosphère générale ne dégage pas la puissance que l'on trouve, par exemple, dans "Les Evadés". Malgré quelques séquences fortes, quelques pics dramatiques, l'ensemble laisse une impresion d'angélisme latent, renforcé encore par la séquence finale, qui préfigure, avec moins de charisme, l'exceptionnel dénouement du "Cercle des poètes disparus". Cet aspect un peu "daté" n'empêche cependant pas l'oeuvre de poser des questions majeures sur la coexistence difficile de la punition, du respect, de la possibilité de réinsertion, et, ce qui est loin d'être négligeable, sur la manière dont peut être réformée l'institution. A ce titre, le personnage de Lillian Gray (Jane Alexander), tiraillée entre son approbation des idéaux de Brubaker et son allégeance au Conseil d'administration, est tout à fait symbolique de l'inertie pachydermique du système.
   
Bernard Sellier