La chair et le sang, film de Paul Verhoeven, commentaire

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La chair et le sang,
     (Flesh and blood),     1985, 
 
de : Paul  Verhoeven, 
 
  avec : Rutger Hauer, Jennifer Jason Leigh, Tom Burlinson, Jack Thompson, Brion James, Bruno Kirby, Nancy Cartwright, Ronald Lacey,
 
Musique : Basil Poledouris

   
 
1501, quelque part en Europe. Le Seigneur Arnolfini (Fernando Hilbeck), désireux de reconquérir la ville qui lui a été volée, engage une troupe de mercenaires, commandés par Hawkwood (Jack Thompson). L'entreprise est couronnée de succès, mais, lorsque vient l'heure de la récompense et de l'attribution du butin, les espérances des combattants ne sont pas tout à fait réalisées. Hawkwood, corrompu par son employeur, oblige ses hommes à jeter leurs armes et à quitter la cité sans paiement. Sous la conduite de Martin (Rutger Hauer), ils errent dans la campagne, rêvant de vengeance. Un jour, ils découvrent une statue de Saint Martin. Croyant à un signe du destin, ils décident de suivre les prétendues indications qu'elle leur donne. Arnolfini a décidé de marier son fils Steven (Tom Burlinson), avec la fille d'un riche Prince, Agnès (Jennifer Jason Leigh). Mais celle-ci est enlevée par la bande de Martin... 
 
 Premier film à avoir fait vraiment connaître Paul Verhoeven, et incontestablement une oeuvre forte. Il y mêle, comme il l'a fait dans nombre de ses réalisations, érotisme et violence, ce qui, dans le contexte du Moyen-Age utilisé ici comme support, n'est guère difficile. La sauvagerie, la bestialité, la manifestation des pulsions basiques, sont omniprésentes et seuls les plus résistants survivent (pas très longtemps, d'ailleurs !). Mais l'histoire contée n'est pas seulement une fresque de plus sur les combats épiques ou les sièges de places fortes. L'action, sanglante et brutale, ne manque pas. Pourtant, l'intérêt se tourne bien davantage vers les passions des protagonistes, dont la richesse aussi bien que l'ambiguïté surprennent et envoûtent. Partagés entre leurs instincts, leurs attachements primaires, leurs croyances, leurs superstitions, leurs peurs de l'inconnu, ils composent une horde aussi impulsive qu'incontrôlable, aussi abjecte que pitoyable. Parsemée de scènes où le romantisme se heurte à la barbarie (la rencontre de Steven et d'Agnès sous les deux pendus), de séquences originales (la machine de guerre conçue par Steven, grand admirateur de Léonard de Vinci), souvent violentes, toujours envoûtantes, la narration visite, avec une intensité de tous les instants, et un équilibre exceptionnel, des thèmes aussi divers que l'amour fou inavoué, l'écartèlement du coeur entre sagesse et folie (le personnage d'Agnès est, à ce titre, un modèle de clair-obscur), le combat de la science naissante et de l'enfermement dans les doctrines absurdes, le pouvoir inépuisable de l'être dans sa quête de survie... A la sortie de cette descente éprouvante dans la noirceur d'une époque féroce, ce n'est pas tant la violence qui imprime sa marque dans le souvenir du spectateur, mais bien davantage l'énergie volcanique qui habite les individualités, la véhémence captatrice et dévastatrice qui motive chacune de leurs actions. On ne peut certes pas utiliser les qualificatifs du film de Frédéric Rossif "Sauvage et beau" ! Mais "sauvage et magnétique", oui, incontestablement !
   
Bernard Sellier