Chronic, film de Michel Franco, commentaire

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Chronic,
       2015, 
 
de : Michel  Franco, 
 
  avec : Tim Roth, Claire van der Boom, Sarah Sutherland, Elizabeth Tulloch, Robin Bartlett, Tate Ellington,
 
Musique : --


 
Ne pas lire avant d'avoir vu le film

 
David Wilson (Tim Roth) est un infirmier. Lorsque la jeune femme dont il s'occupait jusqu'alors, Sarah (Rachel Pickup), décède, il se consacre à un ancien architecte, John (Michael Cristofer), désormais grabataire. Mais la famille considère que son implication excessive relève du harcèlement... 
 
 Cette œuvre exige beaucoup au spectateur. Pour plusieurs raisons. D'abord en raison du sujet lui-même. Durant les quatre-vingt dix minutes du film, nous assistons à toutes les phases des soins prodigués aux malades en fin de vie que traite David. Avec une succession de scènes éprouvantes pour qui n'a jamais travaillé dans ce genre de situations. Vomissements dus aux chimiothérapies, toilettes intimes, diarrhées irrépressibles... Bref, un domaine qui n'est pas souvent mis en lumière dans la cinématographie courante. La seconde raison réside dans les choix de réalisation adoptés par Michel Franco. Longs plans fixes ou plans-séquences, statisme des personnages, dialogues réduits au strict minimum, tant à cause de l'état des patients que de l'introversion de David, absence de musique. Cette approche formelle est certes en osmose avec le dépouillement fondamental du récit. Elle n'en exige pas moins une persévérance certaine de la part du spectateur et un engagement sans faille. D'autant plus que celui-ci ne vois pas clairement quelle est la destination de l'histoire. 
 
 Quelques informations sont dispensées de-ci de-là, et nous comprenons que David a été confronté, quelques années auparavant, à un drame qui explique la sollicitude presque excessive avec laquelle il traite ses patients. Une vague orientation se dessine lorsque Martha (Robin Bartlett), sous traitement chimiothérapique, lui demande de l'aider à mettre fin à ses souffrances. Mais le film désintègre brutalement cette esquisse thématique avec un dernier plan foudroyant qui déconcerte autant qu'il tétanise par sa sécheresse. Cependant, une fois passée la surprise, plusieurs questionnements surgissent. Jusqu'à cette ultime seconde, la narration semblait orienter les événements dans le sens d'une réflexion éthique sur l'accompagnement en fin de vie. Or, au vu du dénouement, celle-ci disparaît totalement. Dès lors, se pose la justification de cet amoncellement de scènes dérangeantes, et cette propension morbide à accumuler l'exposition de plans funèbres, difficilement supportables pour certaines personnes sensibles, prend tout à coup une coloration douteuse, difficilement justifiable sur le plan dramaturgique. A l'évidence, Tim Roth se montre radicalement impliqué dans l'incarnation de cette personnalité taciturne, troublée, psychologiquement perturbée. Il est d'ailleurs quelquefois souligné qu'un accident (de la route ou autre) est un suicide inconscient. Ce qui, en l'occurrence, paraît plus que probable. Reste que l'ambiguïté demeure quant à l'intention du réalisateur. Entre observation sobrement bouleversante de l'approche de la fin et complaisance voyeuriste dans le morbide, il est bien difficile de trancher...
   
Bernard Sellier