Les Contes de Canterbury, film de Pier Paolo Pasolini, commentaire

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Les contes de Canterbury,
      (I raconti di Canterbury),     1972, 
 
de : Pier Paolo  Pasolini
 
  avec : Laura Betti, Pier Paolo Pasolini, Alan Webb, Hugh Griffith, Josephine Chaplin, Franco Citti,
 
Musique : Ennio Morricone

   
 
En route vers Canterbury, il y a six siècles de cela, une troupe de pélerins accepte, afin de ne pas s'ennuyer pendant le voyage, la proposition de l'un d'entre eux : raconter des historiettes divertissantes. Une douzaine de saynètes vont donc se succéder, mettant en présence, dans un Moyen-Age superstitieux, toutes sortes de personnages pittoresques croqués par la plume du poète Geoffrey Chaucer... 
 
 Pier Paolo Pasolini, assassiné trois ans après la sortie de ce film, fait ici sa dernière apparition en tant qu'acteur. Il incarne l'écrivain Chaucer, trait d'union entre les multiples contes qui s'enchevêtrent les uns dans les autres sans frontière nette. On retrouve sans peine les grandes obsessions du réalisateur, dénominateurs communs à toutes les séquences : la religion, la superstition et surtout le sexe. Même trente cinq ans plus tard, il paraît évident que le film était "osé" pour son époque. Aujourd'hui, cependant, tout cet étalage de folies lubriques, de trognes hautes en couleurs, de costumes bariolés et de sexes à l'air a beaucoup perdu de son impact subversif. L'ensemble conserve une atmosphère originale, mélange parfois détonant de cruauté et de frivolité (l'exécution du bossu homosexuel), mais, globalement, c'est surtout une impression de répétitivité et d'ennui qui se dégage de ces mini vaudevilles. Le physique des acteurs, tantôt vieux croûtons répugnants, souvent épouses délurées, et, bien sûr, invariablement, jeunes éphèbes affriolants, prend le pas sur le fond des aventures qui, pour une majorité écrasante, relèvent d'un niveau pour le moins basique. Coucheries, tromperies, grosses farces, on ne peut pas dire que l'intellect soit particulièrement sollicité ! Ce n'est pas dramatique en soi, la légèreté divertissante étant parfois bien désirable. Le problème est que, dans le cas présent, ce n'est ni très léger, ni très divertissant. Beaucoup d'agitation, de mouvement, de décors, pour une ambition très modeste. Si l'on excepte le final, capable de faire hurler les adeptes de la religion, avec une visite scatologique gratinée de l'enfer, tout ce qui précède relève davantage de la bouffonnerie salace et de la plaisanterie burlesque que d'une vision iconoclaste du monde. On retiendra surtout l'étonnante incursion d'un cuisinier chaplinesque. À noter que, souvent, les dialogues semblent décalés par rapport au mouvement des lèvres, comme s'il s'agissait d'un play-back...
   
Bernard Sellier