Les Diables, (The Devils), film de Ken Russell, commentaire

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Les diables,
     (The devils),     1971,  
 
de : Ken  Russell, 
 
  avec : Oliver Reed, Vanessa Redgrave, Gemma Jones, Dudley Sutton, Christopher Logue, Graham Armitage, Brian Murphy,
 
Musique : Peter Maxwell Davies


 
Le Gouverneur de Loudun vient de mourir de la peste. En attendant la nomination de son successeur, il a confié à l'abbé Urbain Grandier (Oliver Reed) la mission de veiller sur la ville. Mais celui-ci se préoccupe davantage de courir les filles, voire de les engrosser à l'occasion, que de répandre la parole divine dans les âmes de ses concitoyens. La vie de la cité commence à se gâter sérieusement lorsque deux événements dramatiques se manifestent conjointement : la Mère Jeanne des Anges (Vanessa Redgrave), supérieure du couvent, donne des signes de possession, tandis que le Baron de Laubardemont (Dudley Sutton), sur les ordres du Cardinal de Richelieu (Christopher Logue), commence à détruire les fortifications... 
 
 Un an après "Music Lovers", dans lequel Ken Russell visitait, à sa manière délirante, certains moments de la vie de Tchaïkovsky, le réalisateur plonge dans le démoniaque hystérique avec cet épisode authentique, mais "arrangé" ici à sa sauce personnelle. La première surprise vient du fait que, malgré son imprégnation forte dans l'esprit rebelle et la pulsion libératoire des années 70, le spectacle a conservé toute sa puissance et sa folie mystico-blasphématoire. La mise en scène agitée, vivante, flamboyante, les décors étonnants (le dépouillement des bâtiments et murailles de Loudun apporte une modernité qui rend la tragédie intemporelle), et surtout la personnalité massive et charismatique d'Oliver Reed, servent à merveille cette fresque dans laquelle la paranoïa côtoie la monstruosité, le grotesque horrible (l'"exorcisme" de Mère Jeanne), et le fanatisme aveugle. Certes, l'excès guette chaque séquence, le désir de choquer ou de donner libre cours aux interdits visuels tient lieu de véritable inspiration. On retrouve ainsi un Richelieu se faisant traîner par des bonnes soeurs dans un chariot, un Roi Louis XIII transformé en foldingue s'amusant à faire le carton sur des protestants déguisés en volatiles, quelques visions très peu mystiques, dans lesquelles Urbain Grandier, prenant la place du Christ en croix, descend s'accoupler avec une religieuse... Mais, contrairement à certaines créations d'Alejandro Jodorovsky ("La Montagne sacrée", ...), où le symbolisme devient quasiment hermétique, pour ne pas dire imbuvable, il est assez facile, ici, de suivre les personnages dans les méandres de leur psychisme perturbé, entre pulsions refoulées, fantasmes oniriques et visions psychédéliques.  
 
 Hénaurme, inconfortable, provocant, mais diablement électrisant !
   
Bernard Sellier