La disparue, film de George Sluizer, commentaire

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La disparue,
     (The vanishing),     1993,  
 
de : George  Sluizer, 
 
  avec : Jeff Bridges, Nancy Travis, Sandra Bullock, Lisa Eichhorn, Kiefer Sutherland,
 
Musique : Jerry Goldsmith

  
 
Barney Cousins (Jeff Bridges) est un homme ordinaire. Professeur de chimie, père d'une petite Denise (Maggie Lindermann) à laquelle il est très attaché, et amateur de solitude puisqu'il passe ses week-end à retaper une cabane au bord d'un lac. Mais il est aussi un psychopathe qui tente de tester les limites de ses actions et de sa perversité. Un jour, Jeff Harriman (Kiefer Sutherland) et son amie Diane Shaver (Sandra Bullock) s'arrêtent dans une station service entre Seattle et Mont St Helen. Diane disparaît sans laisser aucune trace. Trois ans plus tard, Jeff continue à placarder dans toute la région des avis de recherche. En vain. Il rencontre Rita Baker (Nancy Travis), tombe amoureux d'elle, mais, toujours obsédé par l'ignorance du sort de Diane, poursuit sa quête en secret... 
 
 Il est assez rare qu'à cinq ans d'intervalle, un même réalisateur tourne deux fois la même histoire. George Sluizer avait déjà mis en images ce drame sous le titre "L'homme qui voulait savoir" ("Spoorloos") en 1988, avec Bernard-Pierre Donnadieu. Je n'ai jamais vu cette première mouture qui, c'est à remarquer, est beaucoup mieux notée par les spectateurs, sur le site IMDB, que la présente version. 
 
 Quoi qu'il en soit, celle-ci est tout à fait estimable dans son traitement scénaristique, dans son interprétation, à défaut de se montrer originale ou inventive dans la mise en scène, qui demeure très classique. Tandis que la plus grande partie des thrillers fondés sur les méfaits pathologiques des tueurs en série se focalise sur l'action de ceux-ci ou sur l'enquête policière, "La Disparue" est entièrement traitée à partir de la personnalité de l'une des victimes et se concentre sur la quête de l'impossible connaissance de la réalité. Barney a beau être le moteur principal, il apparaît en fait comme quasiment virtuel pendant la plus grande partie de l'histoire, laissant sur le devant de la scène une sorte de double en la personne de Jeff. Ce sont leurs point communs : le désir d'aller jusqu'au bout, de découvrir la vérité sur leurs limites, qui provoque leur rapprochement. La quête de la connaissance devient une raison de vivre plus forte que l'amour lui-même. Jeff Bridges livre une composition inquiétante de ce personnage à face lunaire, gros poupon joufflu et bouclé, apparemment débonnaire, qui est prêt à tout pour tester les rapports de la lumière et de l'ombre qui se partagent son être.  
 
 George Sluizer traite intelligemment et efficacement de la souffrance générée par l'ignorance, de l'impossibilité de survivre tant que le deuil intérieur n'a pas été effectué. Et l'on ne peut qu'être profondément ému en pensant à ces malheureux parents, à l'instar de ceux de la petite Estelle Mouzin, qui ne savent toujours pas ce qu'est devenue leur fille. La mort est assurément ce que l'humanité éprouve le plus de difficulté à accepter, tout au moins dans notre civilisation judéo-chrétienne. Mais elle permet cependant, pour ceux qui le veulent, d'effectuer un travail psychologique de deuil, qui libère l'âme de sa souffrance vive. Bien pire est l'ignorance du sort de la personne qu'on aime, puisqu'il est impossible, dans ce cas, de travailler spirituellement sur une absence de certitude, sur un doute permanent. 
 
 Un film passionnant, générateur de réflexion et, ce qui ne gâte rien, tout à fait efficace tensionnellement.
   
Bernard Sellier