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Don Juan de Marco,
      1995, 
 
de : Jeremy  Leven, 
 
  avec : Johnny Depp, Marlon Brando, Faye Dunaway, Géraldine Pailhas, Rachel Ticotin, Talisa Soto,
 
Musique : Michael Kamen


   
Lire le poème ( CinéRime ) correspondant : ' À toutes les femmes '

   
Le docteur Jack Mickler (Marlon Brando) est psychiatre. Il est appelé pour venir en aide à un étrange jeune homme masqué (Johnny Depp) qui prétend être Don Juan, le plus grand amant du monde, et menace de se suicider. Il est placé sous surveillance dans un hôpital pendant dix jours, laps de temps au bout duquel un juge décidera de son internement ou de sa libération. Jack, bien qu'à quelques jours de son départ en retraite, décide de prendre en charge le patient, contre l'avis du directeur de l'établissement. Le soi-disant Don Juan raconte alors sa vie et les amours qui l'ont émaillée... 
 
   Bien étrange film dont on ne ressort pas indemne pour peu que l'on ait l'âme poétique ou rêveuse. Etrange par le récit qui nous est fait de cet énigmatique personnage , mais aussi par le traitement cinématographique qui est appliqué.  
 
   La réalité brute et bassement matérielle, incarnée par les réunions des médecins, leurs discussions psychothérapeutiques, est confronté en permanence à l'univers onirique et merveilleux dans lequel évolue Juan. Son histoire se révèle d'autant plus passionnante qu'elle transcende peu à peu le problème de sa véracité pour atteindre le niveau de l'amour universel et inconditionnel. Tandis que le prétendu malade raconte ses aventures au psychiatre, le rapport des deux personnages s'inverse subtilement. Jack prend conscience de la pauvreté sentimentale de sa vie, même si ses relations conjugales avec Marilyn (Faye Dunaway) sont bonnes. Il y manque désormais la passion, la folie qui transfigurent le simple amour quotidien en un brasier de délices. Pendant ce temps, Don Juan, toujours fidèle à son monde, mais d'une intelligence, d'une lucidité et d'une pénétration psychologique remarquables, prend conscience de ce qui doit être son attitude pour échapper à l'internement.  
 
   Oeuvre passionnante sur le pouvoir de l'amour (Don Juan transforme la vie de tous ceux qui l'approchent par son magnétisme), sur l'amitié, sur la confiance, sur les apparences, sur le rêve, sur les deux faces du miroir de notre vie, sur la poésie de la beauté (a-t-on jamais entendu des mots semblables pour peindre le charme de la femme et la lumière qui émane de chacune d'elles ?)... Et, paradoxalement, la mise en scène est d'un classicisme presque froid, le jeu de Johnny Depp est distancié, étonnamment absent, comme si les mots de feu que l'on entend sortaient d'un magnétophone intérieur. Là où l'on attendrait violence et passion visuelle, on ne reçoit que des images passablement figées qui pourraient être celles d'un David Hamilton. Volonté du réalisateur afin de ne pas entrer totalement dans le rêve de son personnage, garder un recul face à ce conte délirant ? Ou bien s'agit-il d'une incapacité à pénétrer l'univers de son héros ? Impossible de répondre. Toujours est-il qu'une frustration demeure à la fin de cette vision.  
 
   Il n'en reste pas moins que l'un des mérites majeurs de cette oeuvre est que l'on en sort avec l'envie de grandir en amour. Et l'une des phrases adressées par Don Juan à son médecin résume parfaitement le sujet fondamental du film : "Il n'y a que dans mon monde que vous pouvez respirer"... 
 
   A noter, accessoirement, la très belle musique qui accompagne ce récit.
   
Bernard Sellier