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Les éblouis,
     2019, 
 
de : Sarah  Suco, 
 
  avec : Camille Cottin, Eric Caravaca, Jean-Pierre Darroussin, Céleste Brunnquell, Laurence Roy, Spencer Bogaert,
 
Musique : Laurent Perez del Mar

  
   
Christine Lourmel (Camille Cottin) et son mari Frédéric (Eric Caravaca) ont quatre enfants. L'aînée, Camille (Céleste Brunnquell) est passionnée par le cirque et suit des cours de clown. Le couple est peu à peu absorbé dans une petite communauté d'Angoulême, "La Colombe", placée sous la houlette du "Berger", le Père Eric-Marie (Jean-Pierre Darroussin). C'est le début d'un embrigadement qui ne dit pas son nom... 
 
   La réalisatrice a passé dix ans de sa vie dans une communauté charismatique avant de s'enfuir. Soit évidemment l'histoire de Camille qu'elle nous conte ici. Sans jamais céder à la moindre facilité ou à la plus petite surenchère, le récit entraîne le spectateur sur les pas d'une famille a priori unie dont les parents sont entraînés sans en être réellement conscients, dans une spirale infernale. Vue de l'extérieur, cette fraternité offre les atours de la joie et de l'harmonie. On joue, on chante, on fait la fête. Mais, derrière les apparences, se cachent des croyances extrêmes qui font loi. Hormis la scène où Jean-Marie révèle sa nature vicieuse profonde, l'histoire ne force jamais le trait, ce qui a pour effet de montrer avec une efficacité redoutable la subtilité avec laquelle il est possible de glisser d'une communauté fraternelle et altruiste, à un groupement sectaire dont le "Berger" dicte, au nom de Dieu, toutes les règles et les interdits. Le film met en lumière dans cette dérive, commune à toutes les sectes, l'absence chez les membres de la qualité première que tout humain possède : le discernement. Un exemple terrible réside dans les faux souvenirs d'agressions sexuelles qui sont suggérés, puis assimilés comme réalités, par les membres. 
 
   L'art souverain du Père Eric-Marie est d'une simplicité biblique. "Je détiens en direct la Parole divine. Tout écartement de ce chemin étroit est la preuve que Satan est à l'œuvre". La dégradation des relations parents enfants démontre avec lucidité cette déviance pathologique. Christine et Frédéric croient sincèrement aimer leurs enfants. Pourtant, à partir d'un certain stade de lavage de cerveau, l'esprit n'est plus à même de hiérarchiser les évènements, de reconnaître l'authenticité lorsqu'elle se présente. La réaction violente de Christine lorsque sa fille lui expose les sévices du prêtre, est équivalente, dans l'horreur, à celle de Karin Viard dans le poignant "Les chatouilles". Il est d'autant plus difficile de s'extraire d'un tel embrigadement, que tout faux gourou possède l'art souverain de faire sentir à ses adeptes qu'ils sont uniques, supérieurs à tous les humains "perdus". 
 
   S'il n'y avait qu'un seul enseignement à tirer de ce drame, ce serait celui-ci : La fraternité humaine authentique est indissociable de l'unicité. Dès qu'il y a désir de séparativité, enseignement de supériorité et d'infériorité, il y a forcément éloignement de l'être divin que nous sommes tous. Mais le discernement est souvent appris après bien des épreuves... 
 
   Indispensable. Notons également l'excellente interprétation avec une mention toute spéciale à la jeune Céleste Brunnquell, d'une expressivité aussi riche que subtile.
   
Bernard Sellier