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L'échine du diable,
       (El espinazo del Diablo),      2001, 
 
de : Guillermo  del Toro, 
 
  avec : Eduardo Noriega, Marisa Paredes, Federico Luppi, Fernando Tielve, Irene Visedo,
 
Musique : Javier Navarrete

 
   
La guerre civile espagnole. Carlos (Fernando Tielve), un jeune garçon qui ignore la mort de son père au combat, est abandonné par son tuteur dans une institution pour orphelins, dirigée par un vieux couple, Carmen (Marisa Paredes) et le docteur Casares (Federico Luppi). Tout de suite, il sent la présence d'un fantôme. Quelque temps plus tôt, le jour de la chute, dans la cour intérieure, d'une bombe qui n'a jamais explosé, disparaissait un enfant, Santi... 
 
   Ce film brasse plusieurs thèmes : une énigme dramatique, une période de guerre (même si celle-ci ne se voit symbolisée que par la présence emblématique de cette énorme bombe que les enfants prétendent douée de vie), incursion des morts dans le monde des vivants, passage de l'état d'innocence de l'enfance à celui de l'autonomie responsable adulte. Il ne fait pas de doute que cette diversité est remarquablement dosée. Le réalisateur et scénariste n'est pas tombé dans le piège du spectaculaire et du commercial, ce dont on lui sait gré. Même la fin, pour violente qu'elle soit, est sobrement menée. L'atmosphère, à dominante de teintes jaunes doré, est elle aussi réussie, partageant les lieux entre des bâtiments de surface qui semblent isolés du reste du monde, et un étage souterrain générateur de surnaturel. Quant à l'histoire, elle décrit avec sensibilité et intelligence le monde clos d'enfances brisées qui tentent désespérément de trouver un rayon de lumière pour survivre.  
 
   Pourtant, malgré ces qualités indéniables, cette oeuvre ne m'a guère enthousiasmé. Une impression persistante que nombre d'ingrédients passionnants sont là, exposés avec talent, sans défaut majeur, mais souvent extérieurs au spectateur. Paradoxalement, cette tragédie qui mêle souffrances, morts violentes et fantômes, me semble manquer singulièrement de mystère, de fièvre et de flamme. Les deux adultes responsables sont quasiment des spectres vivants : elle est handicapée par une jambe de bois tandis que son mari, vieux poète émouvant, est devenu impuissant. Ils font déjà partie d'un monde révolu sur le point de disparaître. La scène, magnifique, dans laquelle on voit Casares, blessé, assis immobile devant la fenêtre, son fusil à la main, attendant l'arrivée de celui qui symbolise le mal, est tout à fait éloquente.  
 
   En ce qui concerne les enfants, je ne partage pas vraiment l'enthousiasme de certains commentateurs. Si Jaime (Inigo Garcés) recèle une force et une présence indéniables, je trouve le petit Carlos assez inexpressif et souvent terne. Reste le personnage de Jacinto (Eduardo Noriega), complexe et touchant, malgré la noirceur qu'il renferme. La mise en scène, placide, ne contribue pas à vivifier une trame scénaristique languissante. Au bout des cinquante premières minutes, le décollage n'a pas réellement commencé.  
 
   Une œuvre singulière, de belle tenue, mais dans l'intimité de laquelle je ne suis jamais vraiment rentré.
   
Bernard Sellier