Entre les murs, film de Laurent Cantet, commentaire

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Entre les murs,
      2008, 
 
de : Laurent  Cantet, 
 
  avec : François Begaudeau, Esmeralda Ouertani, Boubakar Toure, Carl Nanor, Rachel Regulier, Franck Keïta, Louise Grinberg,
 
Musique : --

 
   
Le survol d'une année scolaire dans un collège parisien "difficile". François Marin (François Begaudeau) retrouve ses collègues Cécile (Cécile Lagarde), Fred (Frédéric Faujas), Hervé (Vincent Robert), ainsi que certains élèves plus ou moins perturbés et/ou perturbateurs... 
 
   Ma fille de 35 ans, mère de trois enfants, me disait il y a quelques semaines avoir acheté "Lol" espérant visionner une comédie, alors qu'elle y a découvert un film d'horreur ! Son ressenti me semble tout de même excessif. En revanche, il me paraîtrait tout à fait adapté dans le cas du film de Laurent Cantet. Ce qui est extraordinaire , c'est que la plupart des commentaires retenus par "AlloCiné" sont à l'opposé de cette perception : "Entre les murs propose une rafraîchissante et très utile ouverture." "Africultures) ; "Jamais sombre, ni angélique, ce film, qui ressemble à un documentaire, est une vraie fiction, chaleureuse, émouvante et drôle..." (Le journal du dimanche) ; "...Entre les murs captive par son énergie physique et l'évidence heureuse d'une pensée en action." (???) (Libération) ; "...Entre les Murs dresse le portrait, sensible et généreux, d'une génération, et donne à voir une école qui sait être moderne, sûre de sa force et de ses valeurs." (Positif)... ; "Une ode au dialogue (...) Cinéaste brillant mais méconnu du grand public, Laurent Cantet a trouvé le ton juste pour restituer les échanges souvent drôles, parfois agaçants, toujours enrichissants (...)" (Metro)... 
 
   Aurions-nous vu un film différent ? Il est indéniable que le collège du 21ème siècle ne ressemblera plus jamais sans doute à celui du milieu des années soixante. C'est heureux, d'ailleurs, la vie étant un changement perpétuel. Et, pour ce qui est de l'oeuvre elle-même, il ne fait aucun doute que le réalisateur, efficacement secondé par François Begaudeau, auteur du livre qui l'a inspiré, ont su trouver l'équilibre parfait entre documentaire et fiction, le ton et l'atmosphère justes, pour exposer au public ignorant les réalités que vivent chaque jour professeurs et responsables. C'est justement dans ce vérisme et cette authenticité que jaillissent un bon nombre de questions majeures : que vont devenir dans une décennie ces ados rebelles à toute discipline, qui n'ont à la bouche que le mot "respect" lorsqu'il s'agit de leur personne, mais l'oublient totalement lorsqu'ils s'adressent à l'entourage ? Comment est-il possible à un élève d'apprendre quoi que ce soit dans une heure de cours où l'enseignant passe la moitié de son temps à discuter avec les contestataires ? Comment les profs sont-ils capables de ne pas péter les plombs, voire de ne pas finir, au bout de vingt ans, dans un établissement psychiatrique ? Une "ode au dialogue"..., des "échanges enrichissants" ? écrit Jérôme Vermelin dans "Metro"... Sans doute est-ce le désir profond de François Marin, mais, au terme du récit, c'est à un dramatique constat d'échec que nous assistons. Comment d'ailleurs pourrait-il en être autrement ? Comment un instructeur, aussi humaniste soit-il, trouverait-il la capacité, le temps, tout simplement, de gérer les souffrances et les révoltes d'un tiers de sa classe, d'être le thérapeute d'enfants déboussolés, alors qu'il doit conjointement suivre un programme et, tout de même, inculquer quelques connaissances à ceux qui ont envie de ne pas grandir stupides ? Comment entrer en communication avec des êtres qui ne connaissent pour toute formule que "va te faire foutre", ou "enculé"... 
 
   Une oeuvre indispensable, mais passablement terrifiante...
   
Bernard Sellier