Chris MacNeil (Ellen Burstyn), actrice, mène une vie tranquille avec sa fille Regan Teresa (Linda Blair). Toutes deux séjournent à Washington, le temps d'un tournage dirigé par un ami proche de Chris, Burke Dennings (Jack McGowran). Quelques phénomènes étranges, originaires des combles de la maison, attirent l'attention de Chris, mais les bruits sont mis sur le compte de rats agités. Pendant ce temps, le père Damien Karras (Jason Miller), également psychiatre, voit sa mère mourir en ayant perdu la raison. Il en est profondément troublé. Un jour, Burke, alcoolique chronique, est retrouvé mort dans la rue, sous la chambre de Regan. Le Lieutenant William Kinderman (Lee J. Cobb) tente de comprendre ce décès, pour le moins étrange. Quant à Regan, elle manifeste des troubles psychotiques de plus en plus extraordinaires...
Trente trois ans (!) après sa sortie, le film n'a rien perdu de sa puissance et de son impact. Alors que la plupart des suites ou imitations jouent la surenchère d'effets grand-guignolesques, sanguinolents, et ne reculent jamais devant l'overdose fantastico-gore, William Friedkin prend le temps de préparer lentement le terrain avec des symboles, quelques bruits incongrus, d'installer ses personnages dans leur monde naturel, quotidien. Une famille quasiment normale, même si le père est absent. Une adolescente gentille, une mère aimante. Un prêtre qui, malgré sa formation de psychiatre, n'a pas réussi à couper le lien ombilical avec sa mère. Mais n'est-ce pas là le lot de millions d'hommes à travers la planète ? Se développent donc tranquillement sous les yeux du spectateur, une suite de séquences apparemment disparates, globalement paisibles, dont l'inter-relation n'est pas apparente. La fourniture d'explications n'est d'ailleurs pas le but des scénaristes. Le drame nous est présenté d'une manière quasiment scientifique, à travers le regard d'hommes qui, bien que religieux, voire mystiques, appréhendent les manifestations prétendues démoniaques de manière pragmatique. Lorsque le "surnaturel" commence à s'extérioriser, il est d'autant plus saisissant et impressionnant que nous n'avons pas été préparés aux pics volcaniques qui déchirent progressivement le tissu d'un quotidien banal et rassurant. Ellen Burstyn et Jason Miller, profondément humains, procurent à leurs incarnations une crédibilité et une émotion qui contribuent grandement à rendre cette histoire aussi poignante que spectaculaire. Quant aux effets spéciaux, privés des possibilités numériques actuelles, et pourtant inoubliables, ils prouvent que la technique est tout à fait superflue lorsque l'intelligence, la pertinence et l'art se conjuguent harmonieusement.
Une réussite majeure.
Bernard Sellier