Alice (Arielle Labed), âgée d'une trentaine d'années, fait ses aidieux à son copain du moment, un Norvégien, Felix (Anders Danielsen Lie). Elle embarque comme mécanicien en second sur un cargo qu'elle connaît bien, le Fidelio. Elle retrouve à bord son ancien amour, Gael (Melvil Poupaud), devenu Capitaine...
Ecrit et réalisé par une femme (deux même, pour le scénario), ce film propose de fait un portrait féminin intense et touchant. Dotée d'une personnalité yang affirmée, la jeune héroïne voit son assurance et son désir quelque peu égoïste de liberté, se fissurer progressivement au fil des semaines. Le récit observe avec délicatesse, sensibilité, et pudeur les errements sentimentaux d'Alice, dont la fragilité latente est corsetée par sa nature acquise de femme forte et par le milieu exclusivement masculin dans lequel elle baigne constamment. L'intrigue en elle-même n'a rien de très original. L'écartèlement amoureux est un sujet maintes fois traité. Il est possible de regretter que le scénario manque un peu de matière. Mais la réalisatrice n'en a que plus de mérite d'avoir su créer, avec un synopsis minimaliste, une atmosphère profondément réaliste et une tension émotionnelle authentique. Ce qui fait également la valeur de cette oeuvre, c'est, d'une part le milieu ingrat dans lequel se déroule cette tranche de vie, et d'autre part un casting d'une justesse remarquable. Sans oublier bien sûr, l'incarnation magistrale et subtile que donne Arielle Labed de son personnage déchiré. L'antagonisme entre ces cales rouillées, sales, ces machines bruyantes, menaçantes, et les rêves éthérés d'un amour idéal, bousculent doucement le cœur tout en laissant une empreinte troublante.
Bernard Sellier