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Garde à vue,
           1981,  
 
de : Claude  Miller, 
 
  avec : Lino Ventura, Michel Serrault, Romy Schneider, Guy Marchand, Pierre Maguelon,
 
Musique : Georges Delerue

   
   
La nuit du Réveillon de la Saint-Sylvestre dans une petite ville de la Manche. L'inspecteur Antoine Gallien (Lino Ventura) interroge un notable, Jérôme Martineau (Michel Serrault), notaire, qui, quelques semaines plus tôt a découvert le corps d'une fillette violée et assassinée. Un premier crime, non élucidé, avait eu lieu précédemment. Secondé par son collègue Marcel Belmont (Guy Marchand), Gallien tente d'éclaircir les contradictions qui émaillent le récit du témoin et de comprendre sa personnalité complexe. 
 
   Un homme en vue interrogé pendant une nuit entière dans une petite pièce d'un commissariat.Unité de lieu, de temps et d'action parfaites. Vraiment pas de quoi donner naissance à une oeuvre passionnante ? Ce serait mal connaître le talent, le génie pourrait-on même dire en l'occurrence, de trois personnages : le réalisateur-scénariste, le dialoguiste (Michel Audiard) et un Michel Serrault grandiose. Les trois piliers du film. Celui-ci pourrait sans peine occuper le trône de Modèle dans nombre de domaines. Comment rendre émouvant, captivant, de bout en bout, une histoire dont la trame tient sur dix centimètres carrés de papier, dépouillée à l'extrême, confinant un nombre minimal de protagonistes dans un espace clos ? Comment consteller de drôlerie, de rires, d'ironie, un récit intégralement noir, habité de personnalités rongées par la détresse ; et, cela, sans jamais entamer un seul instant la crédibilité psychologique !? Comment, en un flash-back muet de quelques minutes, installer une oasis de poésie magnétique, dont la grâce diaphane illumine furtivement un univers de désespoir ? Comment atteindre des abîmes de mélancolie avec une économie de moyens aussi extrême ? A ces questions que tout réalisateur peut se poser, l'oeuvre répond avec une aisance, une maestria étonnantes. Grâce à la personnalité protéiforme, hautement ambiguë, sinueuse, de Jérôme Martineau, la tragédie explore, fouille avec une inspiration permanente, les multiples composantes nébuleuses de l'être humain. Mille fois plus explicites que pourraient l'être des volumes d'analyse psychologique, les interrogations banales du policier, les stupidités proférées par un Guy Marchand fidèle à son image de crétin bas de plafond, les dissimulations maladroites du suspect, son ironie glacée, ouvrent grand le livre de la fabrication du masque que nous revêtons tous plus ou moins habilement au cours des ans. Quant aux quelques minutes où Romy Schneider apparaît, spectre aussi superbe que polaire, elles sont tout bonnement inoubliables. 
 
   Un miracle permanent d'émotion.
   
Bernard Sellier