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Hard Candy,
      2005, 
 
de : David  Slade, 
 
  avec : Ellen Page, Patrick Wilson, Sandra Oh, Odessa Rae, Gilbert John,
 
Musique : Harry Escott, Molly Nyman

 
   
Jeff Kohlver (Patrick Wilson) est photographe "artistique", mais sa passion réelle est de draguer les adolescentes. Sur le Web, il fait connaissance d'une jeune fille qui semble être attirée par lui. Ils se rencontrent dans un café. Elle est effectivement charmante, et se nomme Hayley Stark (Ellen Page). Peu farouche, elle accepte de le suivre à son domicile. Ils discutent librement, trinquent. Au bout de quelques minutes, Jeff perd connaissance. Lorsqu'il revient à lui, il est ligoté sur une chaise et la fragile adolescente a fait place à une redoutable harpie... 
 
   Si le personnage du photographe ne sort pas indemne de ce huis-clos plus qu'éprouvant pour les nerfs et le coeur, il en est de même pour le spectateur ! Sur le double thème de la pédophilie et de la vengeance personnelle, mais à mille lieues des éxécutions vite fait bien fait de Paul Kersey (Charles Bronson), dans la série de Michael Winner, c'est ici du très lentement fait, du sadique et du machiavélique pur jus qui nous explose à la figure. Le réalisateur opère un croisement entre "La Jeune Fille et la Mort" de Roman Polanski, pour l'aspect extraction de la vérité, et "Audition", pour le côté barbare (quasiment toujours suggéré dans le cas présent), ainsi que la cruauté intense. Hayley (extraordinaire Ellen Page, qui oscille constamment entre candeur juvénile calculée, maturité angoissante, manipulation psychologique, et sauvagerie glacée) entreprend une sorte de croisade pathologique contre l'archétype d'un prédateur avéré. La gratuité apparemment totale des bourreaux de "Funny Games" est remplacée par son opposé : une condamnation logique, pertinente, à défaut d'être acceptable. C'est une représentante du monde des enfants martyrisés qui s'institue la vengeresse de son groupe meurtri. 
 
   La longue première partie ouvre progressivement, avec une lenteur calculée entrecoupée de brefs plans frénétiques, avec des phases logorrhéiques de Hayley, les portes du mystère Jeff. Est-il un véritable criminel, ou seulement un assez brave type, atteint de légères déviances sexuelles ? La tension monte jusqu'à un paroxysme, qui laisse déjà le coeur dans un état quasi comateux. Puis, alors que l'on imagine le dénouement proche, le réalisateur plonge ses personnages dans un nouveau parcours mortel plus actif. L'épure dans laquelle nous étions plongés laisse la place à un jeu de cache cache plus traditionnel, moins convaincant peut-être, un peu laborieux parfois, mais à la trame toujours sous-tendue par un fil conducteur psychologique qui ne disparaît jamais, même dans les séquences que l'on pourrait juger, à tort, primaires. L'ensemble est diaboliquement calculé, très (trop ?) écrit, hautement dérangeant, et surtout d'une efficacité nerveuse redoutable. Il génère, qui plus est, nombre d'interrogations pertinentes sur les motivations et rapports de force ambigus des deux protagonistes. 
 
   Un électrochoc majeur.
   
Bernard Sellier