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Heaven,
     2002,  
 
de : Tom  Tykwer, 
 
  avec : Cate Blanchett, Giovanni Ribisi, Remo Girone, Stefania Rocca,
 
Musique : Tom Tykwer, Arvo Pärt, Marius Ruhland

  
   
Turin. Philippa (Cate Blanchett), une jeune femme d'origine anglaise, dépose une bombe dans le bureau d'un riche industriel, Vendice (Stefano Santospago). Puis elle téléphone à la police pour s'accuser du forfait. Elle est arrêtée et interrogée. Avec stupéfaction, elle apprend que celui qu'elle visait est indemne, et, qu'en revanche, un père et ses deux fillettes ont été tués. Le jeune traducteur qui assiste à ses dépositions, Filippo (Giovanni Ribisi) lui propose de l'aider à s'évader. Elle accepte. 
 
   C'est Krzysztof Kieslowski qui a conçu le scénario de ce film et aurait dû le mettre en scène s'il n'était pas mort auparavant.  
 
   Etrange atmosphère tout au long de cette oeuvre à la magie prenante. Le prégénérique nous transporte dans le monde virtuel d'un simulateur de vol. Puis c'est l'engloutissement dans une horreur suggérée. Mais suggestion ne signifie aucunement détachement. Et l'absence d'image peut parfois se révéler plus douloureuse et puissante émotionnellement que l'accumulation du sang et des larmes. C'est tout d'abord de la répulsion que l'on éprouve pour cette femme dont on ignore tout, qui semble agir comme un agent du mal implacable. Puis l'on découvre cet énigmatique Filippo, grand adolescent effacé, qui suit les traces de son père, ancien chef des Carabinieri, mais dont les émotions mal gérées provoquent encore certaines incontinences nocturnes !  
 
   Survient alors la quête de la liberté, celle du plan physique, qui passe par la peur, la fuite, les angoisses, le changement de l'apparence. Mais surtout celle de l'esprit. Celle qui transcende la culpabilité, le remords, le jugement, pour atteindre l'acceptation sans condition, sans entraves, de soi-même et de l'autre, l'unité absolue, l'Amour avec un grand A. Sobriété déchirante des mots, des images. La caméra scrute directement l'essence des faits, des expressions, des émotions. De nombreux plans quasi fixes, hors du temps, comme suspendus dans l'éther. Une suite de notes au piano désolées, lancinantes et envoûtantes. Une passion quasiment sans mots, sans gestes (à peine deux mains qui se serrent), une scène d'amour entre deux ombres irréelles qui s'unissent et s'accomplissent dans un lointain qui ne nous est pas accessible. Et le regard éperdu de Cate Blanchett, bouleversée par son geste irréversible, qui, peut-être, parviendra à renouer avec la foi et retrouvera le sens de sa vie. Enfin un dernier plan qui se perd dans l'infini et laisse le spectateur médusé et pantelant... 
 
   Magnifique.

   
Bernard Sellier