La base américaine de Guantanamo bay à Cuba. Là se font face à quelques dizaines de mètres, Marines et Cubains. La base est placée sous les ordres du colonel Nathan Jessep (Jack Nicholson). Une nuit, deux soldats, Dawson (Wolfgang Bodison) et Downey (James Marshall) pénètrent dans la chambre d'un de leurs camarades, le baillonnent et le ligotent. Une heure plus tard, victime d'une acidose lactique, la victime décède. Les deux coupables sont traduits devant la justice militaire. On leur octroie pour avocats les lieutenants Daniel Kaffee (Tom Cruise), Jo Anne Galloway (Demi Moore), et Sam Weinberg (Kevin Pollack). Malgré les menaces de la partie civile, représentée par le capitaine Jack Ross (Kevin Bacon), Daniel décide de plaider non coupable et de tenter de prouver que les deux soldats ont agi sur ordre de leurs supérieurs...
Belle distribution pour cette édifiante histoire de procès. Le séduisant Tom Cruise et la sculpturale Demi Moore ! Peut-être même trop, si l'on peut dire. Ce drame à l'enjeu quasiment abstrait (on n'aperçoit la victime que quelques secondes et le scénario repose sur l'établissement implicites de codes militaires qui nous sont étrangers) n'en possède pas moins une force exceptionnelle, magnifiquement rendue par l'implication des deux accusés et la dignité brutale des officiers. Kiefer Sutherland, dans un petit rôle, n'en glace pas moins par son monolithisme robotisé. Quant à Jack Nicholson, grandiose, il compose un haut responsable mégalomane, engoncé dans ses convictions patriotiques, dont le regard foudroie et flanque la chair de poule aussi efficacement que le feraient deux lance-roquettes braqués sur nous !
Voilà pour les aspects puissants et positifs du film. Reste le "principal", autrement dit le "couple" Cruise-Moore. Paradoxalement, la jeune femme me paraît beaucoup plus crédible que son collègue. Son tempérament est plus simpliste, taillé dans un seul bloc de loyauté et de courage, mais finalement convaincant. Pour ce qui est de Tom Cruise, le scénariste s'est manifestement laissé aller à la peinture cinématographique conventionnelle du jeune avocat - brillant - mais ça ne se voit pas - car c'est un jeunot gouailleur - un petit Américain amateur de base-ball - et désinvolte par-dessus ça - mais - au dernier moment -... sa grandeur cachée se réveille - bref, le superficiel et l'artifice pointent le bout de leurs gros sabots et ça ne passe pas forcément très bien. De plus, les scènes de procès, assurément intéressantes, ne font pas partie des plus palpitantes qu'il nous ait été donné de voir.
Globalement un excellent sujet, une réflexion passionnante sur la fanatisation de soldats qui placent la patrie au-dessus-de Dieu (on croit rêver !), mais dont le résultat et le traitement laissent une impression mitigée.
Bernard Sellier