I know this much is true, Série, série de Derek Cianfrance, commentaire

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I know this much is true,
       Série,      2020 
 
de : Derek  Cianfrance, 
 
avec : Mark Ruffalo, Juliette Lewis, John Procaccino, Kathryn Hahn, Gabe Fazio, Melissa Leo, Rosie O'Donnell,
 
Musique : Harold Budd


   
Ne pas lire avant d'avoir vu la série 
    
  Dominick Birdsey (Mark Ruffalo) et son frère jumeau Thomas naissent à six minutes d'intervalle le 31/12/1949 et le 01/01/1950. Une quarantaine d'années plus tard, Dominick est devenu peintre en bâtiments et Thomas, souffrant de schizophrénie, est interné après s'être tranché une main. Ils ont perdu récemment leur mère, atteinte d'un cancer. Avant de mourir, elle a confié à Dominick un journal écrit par son grand-père en italien. La jeune Nedra Frank (Juliette Lewis) est chargée de la traduction...
 
 Dès les premières scènes d'ouverture, le spectateur est frappé avant tout par la performance de Mark Ruffalo, qui donne vie à ces frères psychologiquement et même physiquement différents. Car, au fur et à mesure que le drame prend corps, Thomas voit le sien devenir de plus en plus bouffi, conséquence inéluctable de ses internements et de son existence prostrée. Ces presque six heures de film mettent en scène le parcours de ces deux frères jumeaux à travers leur enfance, leurs traumatismes d'adolescents, et la descente progressive de Thomas dans une schizophrénie aux lourdes conséquences. Mais cette analyse fait également référence à leur lignée familiale, à travers le journal intime de leur grand-père, Domenico Tempesta (Marcello Fonte), personnage particulièrement odieux arrivé de Sicile pour faire fortune, qui n'a pas hésité à coucher sur le papier toutes les monstruosités commises. C'est en fait sur quatre niveaux que se développe cette étude poignante, violente, parfois éprouvante, qui suit au plus près ces deux frères inséparables, pathologiquement soudés. Ils paraissent au départ foncièrement différents. Dominick donne l'apparence d'un homme solide, sain de corps et, peut-être, d'esprit. Thomas souffre de paranoïa, se considère comme impur, et se persuade que la Bible lui impose de se couper une main afin de sauver les nations de la guerre en cours (invasion de l'Irak). Mais en fait, tous deux manifestent de manière différente un même mal-être profondément enfoui. À travers le vécu de Dominick, on prend conscience qu'il n'a jamais surmonté la mort d'Angela, la fille qu'il avait eue avec Dessa Constantine (Kathryn Hahn), et décédée alors qu'elle était bébé. Durant les années qui suivent le drame, sa vie se dégrade de plus en plus et la violence qui bouillonne en lui se retourne contre ses proches, en particulier sa nouvelle compagne, Joy Hanks (Imogen Poots), tandis que la rage qui ronge Thomas est dirigée contre lui-même.

  Contrairement aux constructions traditionnelles des séries, qui cherchent à équilibrer au mieux les multiples composantes narratives et les flashbacks, celle qui est adoptée ici affiche une franche fluctuation dans les durées et les contenus. Certaines scènes sont courtes tandis que d'autres s'étirent, notamment lors des affrontements avec les psychiatres et lors des plongées dans le manuscrit de Domenico. Cette disparité semble s'adapter en permanence aux états d'âme des personnages, épousant de la sorte leur esprit perturbé, nostalgique, éparpillé, voire éteint, comme c'est le cas par exemple lors du semi coma qui suit la chute de Dominick. La caméra use beaucoup des gros plans, scrutant au plus près les expressions des visages, les regards, comme si elle avait l'irrépressible envie de pénétrer à l'intérieur des âmes. Au-delà des éclairs de violence, c'est avec une tendresse infinie, avec une délicatesse poignante que cette série visite la souffrance des secrets de famille, les bienfaits d'un pardon difficile à accorder autant à soi qu'à autrui, la solidité d'un amour fraternel, ainsi que le pouvoir de résilience qui réside en chacun de nous. Et quelle performance pour Mark Ruffalo qui signe ici une double incarnation intense, émouvante et mémorable !

 Magnifique. 
   
Bernard Sellier