In the cut, film de Jane Campion, commentaire

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

In the cut,
      2003,  
 
de : Jane  Campion, 
 
  avec : Meg Ryan, Mark Ruffalo, Michael Nuccio, Jennifer Jason Lee, Alison Nega, Kevin Bacon,
 
Musique : Hilmar Örn Hilmarsson

  
   
Frannie (Meg Ryan) est professeur de lettres. Elle vit seule. Sa soeur Pauline (Jennifer Jason Lee) travaille dans une boîte de strip tease. Un jour, Frannie reçoit la visite de l'Inspecteur Malloy (Mark Ruffalo). Il enquête sur l'assassinat d'une jeune fille, dont l'un des membres a été retrouvé dans le jardin de la résidence où habite la jeune femme. Il serait même possible que Frannie ait vu la morte quelques heures avant d'être tuée, dans un bar où elle avait bu en compagnie d'un élève, Cornelius Webb (Sharrieff Pugh). Mais Malloy ne s'y trouvait-il pas également, bien qu'il le nie ? Tandis qu'un nouveau meurtre est perpétré, Frannie passe une nuit avec Malloy... 
 
   Désarmant mélange de genres que cette histoire ténébreuse. Jane Campion aime assurément les atmosphères glauques, voire malsaines, qu'elle a d'ailleurs l'art de rendre palpables. Dans "La leçon de piano", nous plongions au sein d'un décor sauvage, brumeux, dans une jungle physique et dans un enchevêtrement de pulsions primaires. Ici, nous sommes au coeur de la ville moderne, dans le monde contemporain, qui n'est pas moins sauvage et générateur d'instincts tout aussi violents. A la fois drame psychanalytique (Frannie est gorgée de désirs inavoués, refoulés), film policier, thriller, film érotique sombre avec une certaine crudité que l'on n'attendait pas, l'oeuvre est protéiforme, complexe. Les personnages, dont l'incommunicabilité chronique rejoint celle de "La leçon de piano", n'en sont pas moins manifestement riches de sentiments inexprimés. Frannie se gorge de pensées lues dans les stations de métro ; Pauline rêve de se marier au moins une fois ; Malloy, qui donne l'impression d'être aussi romantique qu'une bûche, recèle sans doute une vraie richesse intérieure tout en se montrant fort ambigu. Mais, s'ils possèdent tous une originalité manifeste (étonnant John Graham, avec un Kevin Bacon hirsute et déjanté), s'ils sont tous insérés dans un écrin insolite et sordide à souhait, une impression tenace de vacuite persiste néanmoins tout au long de l'histoire. Le scénario donne la sensation de tourner en rond, à l'instar des protagonistes, et le parti-pris de plans inattendus ou étranges tourne au procédé artificiel, sans doute parce que la chair des individus est remplacée par une abstraction impalpable. L'intérêt premier du film est de faire sortir Meg Ryan, d'une manière convaincante, de ses rôles habituels, gentillets, tranquilles ou proprets. Quelques fugaces instants marquent le souvenir. Pourtant l'ensemble demeure décevant, tant sur le plan du canevas dramatique, que sur celui du drame humain.
   
Bernard Sellier