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Intimité,
      (Intimacy),       2000, 
 
de : Patrice  Chéreau, 
 
  avec : Mark Rylance, Kerry Fox, Timothy Spall, Marianne Faithfull,
 
Musique : Eric Neveux

  
   
Jay (Mark Rylance) est chef barman dans un pub. Divorcé de Susan (Susannah Harker), il vit dans la solitude et le repli sur soi, excepté le mercredi. Ce jour-là, régulièrement, une femme inconnue, Claire (Kerry Fox) le rejoint dans son appartement. Ils font l'amour et se séparent sans parler jusqu'au rendez-vous suivant. Un jour, Jay décide de suivre Claire à son insu. Il découvre sa vie et ses errances. 
 
   La première moitié du film est extraordinaire. De tension interne, de sauvagerie intime et acceptée, d'extraversion des corps par contraste avec l'enfermement des personnalités. Les alternances de violence irradiante et de replis intérieurs créent une authenticité et une sympathie profondes envers ces personnages à la dérive dans lesquels on devine une fêlure profonde et qui se cherchent désespérément un rayon d'espoir ou de lumière à travers les jeux amoureux. On ressent avec une acuité quasi douloureuse l'urgence de chaque geste, comme si celui-ci pouvait être le dernier, devait impérativement être volé sur la mort proche. 
 
   A partir du moment où Jay découvre progressivement la vie de Claire et où le contact s'établit avec Andy (Timothy Spall), les tréfonds psychanalytiques des différents protagonistes commencent à s'embrouiller quelque peu et la tension change de registre. La violence des mots remplace de plus en plus celle des corps et le spectateur se perd dans le dédale des rapports pathologiques des couples légitime et occasionnel.  
 
   Même si l'on ne peut pas réellement dire que l'oeuvre est globalement déséquilibrée, tant la puissance narrative et la tension psychologique imprègnent chaque plan, il n'en demeure pas moins que le spectateur se sent, dans la seconde heure, passablement enlisé dans un sable mouvant dont il a de la difficulté à s'extraire.  
 
   Si l'on ressort de cette vision profondément marqué, c'est avant tout grâce à l'implication exceptionnelle des acteurs, Kerry Fox, Timothy Spall, et, surtout, Mark Rylance, dont le jeu, tour à tour violent ou intériorisé, atteint des sommets de concentration et de puissance émotionnelle. Son regard perdu où se devinent toutes les souffrances subies et les aspirations rêvées est inoubliable.  
 
   Il existe un certain nombre d'oeuvres dans lesquelles la performance d'un ou plusieurs acteurs justifient à elle seule la vision, pour celui qui n'est pas attiré par le scénario ou le genre. C'est le cas ici, tout comme ça l'était pour Emily Watson, par exemple, dans "Breaking the waves".
   
Bernard Sellier