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Itinéraire d'un enfant gâté,
       1988, 
 
de : Claude  Lelouch, 
 
  avec : Jean-Paul Belmondo, Richard Anconina, Pierre Vernier, Michel Beaune, Marie-Sophie L., Béatrice Agenin, Lio,
 
Musique : Francis Lai

  
   
Abandonné tout petit par sa mère, incapable de l'élever, celui qui sera plus tard appelé Sam Lion (Jean-Paul Belmondo) est élevé dans un cirque pour lequel il se passionnera toujours. A la suite d'une chute grave, il se reconvertit dans le nettoyage. Quelques décennies plus tard, après deux mariages, l'un avec Yvette (Lio) qui donnera naissance à Jean-Philippe (Jean-Philippe Chatrier), le second avec Corinne (Béatrice Agenin), d'où naîtra Victoria (Marie-Sophie L.), il est devenu PDG d'une multinationale qui emploie douze mille personnes. Un jour, il décide de traverser l'Atlantique en solitaire. Et de simuler sa disparition tragique... 
 
   Lorsque Claude Lelouch laisse de côté ses ambitions narratives pharaoniques (genre "de Jésus à l'an 2000" ou "histoire du genre humain en X parties"), pour recentrer sa peinture sur un nombre de personnages restreint ou un petit noyau familial, il est capable de nous émouvoir profondément tout en racontant, à sa façon inimitable, une histoire passionnante. Construite à la manière d'une mosaïque d'instants frivoles, dramatiques, drôles, émouvants, qui nous sont offerts, sans esbroufe, au gré de la quête d'isolement de Sam, cette fresque d'une vie sonne constamment vrai. Le réalisateur a réussi, dans cette oeuvre, une osmose merveilleuse entre l'intimisme des rapports familiaux, l'attachement à ceux que l'on aime, et la soif de liberté absolue que peut ressentir soudain un être au bord de l'écrasement par le poids des responsabilités, tant professionnelles que parentales ou amoureuses.  
 
   Sans perdre son originalité profonde dans le traitement du récit, Lelouch a su ici maîtriser les excès qui tirent souvent son style vers le factice et la manipulation gratuite. Enchâssées dans un récit particulièrement fluide, qui met en valeur les détachements psychologiques des deux personnages masculins, les séquences typiquement lelouchiennes sont conduites, soit avec légèreté (l'apprentissage des "bonjour"), soit avec une tendre et pudique poésie (la demande en mariage), soit avec un humour bon-enfant (la présentation du prétendu sosie). Jamais, en tout cas, elles n'interfèrent avec la limpidité de la composition. Bien plus, elles apportent, dans leur concision discrète, les qualités qui devraient toujours être leur raison d'exister : une touche de bonhomie naturelle et d'humanité spontanée. Belmondo, doté d'une sobriété émouvante, est l'incarnation parfaite de ce misanthrope temporaire. Richard Anconina, maladroit, fragile, est lui aussi impeccable. 
 
   Quand simplicité rime avec pudeur et sensibilité, le résultat touche au plus profond de l'être. Ces éclats de vie, baignés de souffrances, d'espoirs, de solitude, croqués avec un flot de tendresse constante mais réservée, bercés par la superbe musique de Francis Lai, laissent une empreinte durable et savoureuse.
   
Bernard Sellier