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Ken park,
        2002, 
 
de : Larry  Clark, Ed  Lachman, 
 
  avec : James Ransone, Tiffany Limos, Stephen Jasso, James Bullard, Maeve Quinlan,
 
Musique : Divers

 
   
Visalia, une petite ville de Californie. Un adolescent, Ken Park (Adam Chubbuck) se rend sur l'aire de skate, sort une caméra et se tire une balle dans la tête. Nous faisons alors connaissance avec ses amis : Shawn (James Bullard), Claude (Stephen Jasso), Peaches (Tiffany Limos), Tate (James Ransone). Tous ont en commun de vivre une existence difficile et de chercher désespérément une issue dont la visibilité n'est pas évidente... 
 
   La souffrance muette ou révoltée, qui est le lot des enfants aussi bien que des adultes. Si les premières images du film balaient tranquillement les rues de la petite ville tranquille, où rien d'extraordinaire ne semble devoir jamais survenir, le calme extérieur factice ne dure pas bien longtemps. Le geste de désespoir de Ken ouvre la porte sur la réalité intérieure vécue par ses copains. Et ce n'est pas du clinquant pur jus ! Shawn, peut-être le moins mal loti de la bande, entretient une relation avec une copine et, occasionnellement, avec la mère de celle-ci, Rhonda (Maeve Quinlan), lorsque son mari Bob est absent. Claude, Peaches et Tate doivent faire face aux manifestations d'un lourd karma. La timidité du premier, coincé entre une mère enceinte jusqu'aux yeux, passive jusqu'à l'aveuglement, et un père, abruti par l'alcool, aux cheveux aussi rares que les neurones, ne lui laisse pas beaucoup de latitude de réaction. Tate, lui, est couvé, étouffé, par deux grands-parents, incapables de laisser s'épanouir le grand rejeton, dont le seul échappatoire est de se masturber en regardant les joueuses de tennis à la télévision. Quant à Peaches, elle est sous la coupe d'un père obsédé par la mort de sa femme. Confit en religion follement dogmatique, il mange à genoux, récite à longueur de journées des passages de la Bible, et son délire pseudo-mystique l'amène à épouser sa fille après l'avoir surprise avec son copain Curtis ! 
 
   Autant dire qu'il y a de quoi péter les plombs. Ce qui ne manquera pas d'arriver à l'un d'eux. Mais, paradoxalement, il n'y a pas vraiment de révolte dans cette suite de scènes tour à tour crues et poignantes. Tout au plus des bouffées de désespoir qui sont résorbées plus ou moins efficacement dans un rêve de fuite, d'enfermement au sein d'une bulle inattaquable. La chape de tristesse qui plane sur ces séquences de vie laisse, à la toute fin, s'entrouvrir un tunnel de lumière dans la magnifique scène d'amour, oasis légère, ludique et paisible, au coeur de laquelle s'apaisent les survivants.  
 
   Les réalisateurs flirtent parfois avec le voyeurisme, mais l'ensemble de cette vision banalement cauchemardesque demeure intense et livre une fresque sensible et poignante sur les ravages universels du manque d'amour.
   
Bernard Sellier