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Kingdom of heaven,
          2005, 
 
de : Ridley  Scott, 
 
  avec : Orlando Bloom, Jeremy Irons, Nathalie Cox, David Thewlis, Liam Neeson, Philip Glenister, Eva Green,
 
Musique : Harry Gregson-Williams

  
   
1184. Jérusalem, prise par les Chrétiens depuis plus de cent ans, est gouvernée par un Roi lépreux, Baudoin IV (Edward Norton). Une paix fragile s'est instaurée avec les Musulmans, dirigés par Saladin (Ghassan Massoud). Godefroy (Liam Neeson), un Chevalier, revient en France et se fait reconnaître par un jeune forgeron, Balian (Orlando Bloom), comme étant son père. Le jeune homme vient de perdre son enfant et sa femme s'est suicidée de chagrin. Après avoir tué le prêtre qui insultait la mémoire de la morte, il accepte de suivre son père en Terre Sainte. Mais Godefroy décède à la suite d'un combat contre les hommes de l'Evêque, chargés de s'emparer du meurtrier. Malgré le naufrage de son navire, Balian parvient au terme de son voyage. Il rencontre le Roi de Jérusalem et son fidèle compagnon, Tiberias (Jeremy Irons). Il fait aussi la connaissance de Sybil (Eva Green), soeur du Souverain, mariée au sinistre Guy de Lusignan (Marton Csokas)... 
 
   Cette fresque laisse une étrange impression de frustration, d'insatisfaction, dont la cause n'est pas évidente. Certes, le fondement de l'histoire repose sur des bases fragiles. En quelques dizaines de minutes, un jeune forgeron vivant dans un village perdu de la France profonde, se voit propulsé Chevalier, devient l'emblême de la droiture, se montre un combattant hors pair, et succède au Roi pour défendre la Ville Sainte, ce qui est tout de même assez difficile à ingurgiter. Mais là n'est pas, à mon sens, la raison profonde. Pas plus d'ailleurs, comme l'ont affirmé certains commentateurs, que le choix d'Orlando Bloom pour incarner ce personnage hors du commun. S'il ne possède pas la puissance sauvage, virile et impériale de Russell Crowe dans "Gladiator", il n'en incarne pas moins avec solennité et impétuosité ce manant propulsé dramatiquement dans un conflit où les hommes usent du prétexte de la volonté de Dieu pour assouvir leur appétits terrestres.  
 
   Sans doute aurait-il été nécessaire de doubler la longueur du film pour que l'évolution des personnages, Balian au premier chef, paraisse moins artificielle, pour que cette fracture dans l'histoire de Jérusalem ne se réduise pas à une confrontation de mesquineries humaines. C'est ce qui est tenté, reconnaissons-le, grâce aux deux souverains, modèles de sagesse et de rigueur perdus dans un monde cruel qui ne vit que pour le massacre des "infidèles" ou le pillage des richesses. Cependant, tel qu'il nous est présenté globalement, avec un long passage sur le siège de Jérusalem, d'ailleurs impressionnant visuellement, le récit semble composé de petites séquences soigneusement écrites, habilement filmées, mais dont la juxtaposition ne donne pas naissance à un tableau épique, porté par la flamme de la transcendance. Nous demeurons constamment dans l'anecdotique, d'autant plus que la plupart des protagonistes n'ont pas de réelle épaisseur psychologique. L'idéalisme, l'humanisme, la noblesse du coeur, qui enveloppent le film sont effectivement présents, parce que dits, mais ils ne transpirent pas vraiment d'une imagerie conventionnelle. Le plaidoyer pour l'humanité souffrante est éminemment sympathique. L'oeuvre, elle, laisse de spectaculaires souvenirs visuels, mais peu de traces profondément ancrées dans le jardin de l'âme... 
 
   P.S. La version commentée ici est la première sortie en France et non celle, allongée de 50 minutes, sortie en zone 1 en juin 2006... (cf."Les Années Laser" n° 122, page 127).
   
Bernard Sellier