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Koyaanisqatsi,
        1983, 
 
de : Godfrey  Reggio, 
 

  Musique :  Philip Glass


   
Suite d'images brutes ou travaillées de notre terre sauvage et "civilisée"... 
 
   Il est écrit sur la pochette du DVD : "Une expérience que vous n'êtes pas prêt d'oublier". C'est la pure vérité. Dans quel sens doit-on l'entendre, c'est un autre problème. Il est certain que cette oeuvre ne ressemble à aucune autre. On pourrait sans peine la qualifier d' OCNI. Objet cinématographique non identifié. La catégorie la plus proche serait celle des documentaires, mais cette suite d'images ne nous documente sur rien, et ne comporte aucun commentaire. Elle présente un état des lieux muet de notre état "civilisé" et de son opposé, l'état minéral. 
 
   Après une introduction nébuleuse, tout commence par un survol extraordinaire du Grand Canyon du Colorado. Et nous avons sous les yeux des photos comme nous n'en voyons jamais. Une pure merveille. Il en sera de même, d'ailleurs, tout au long du film, que ce soit, comme dans ce majestueux début, par le biais d'une photographie sans réels trucages, ou, comme dans la suite, grâce à un ballet continuel d'accélérations ou de ralentis. On n'en finirait pas de citer les merveilles esthétiques qui nous sont proposées : ruissellements de nuages, destructions d'immeubles, avion au ralenti, lune disparaissant derrière un building, symphonie de couleurs et de mouvement de nuages accélérés reflétés sur un building de verre, désintégration d'une fusée au ralenti, travail à la chaîne, humains-fourmis s'agitant à une allure vertigineuse, ruissellement de lumières automobiles sur les autoroutes...  
 
   Que nous apporte tout cela ? A mon sens, pas grand chose ! Que la civilisation, telle que nous la concevons actuellement, soit une source de ruine pour la nature, c'est un fait indéniable. Que cette accumulation d'images, trafiquées dans l'unique but de provoquer l'écœurement pour la dite civilisation, soit efficace, c'est autre chose. Elle me paraît surtout susciter le rejet pour le choix de l'excès qui est adopté ici.  
 
   Le mot "qatsi" signifie en langue hopi : "vie". Koyaanisqatsi a le sens de "vie en déséquilibre". Mais que voit-on de la vraie "vie" dans cette oeuvre ? Rien ! Le réalisateur nous présente : d'une part l'état minéral, auquel il est difficile d'attribuer le terme de "vivant" étant donné la lenteur de son évolution ; d'autre part, les conséquences matérielles de l'évolution humaine. Ce qui signifie que la véritable vie, qui se situe entre les deux, dans l'élan naturel du végétal, de l'animal, du corporel humain, est totalement absente.  
 
   Pour ce qui est de la forme, ce n'est, à mon sens, guère plus enthousiasmant. Lenteur, répétitivité, sont les maîtres mots qui caractérisent cette entreprise. Prenons seulement l'exemple des voitures sur l'autoroute. Signe évidemment fort de notre délire actuel de vitesse et de consommation. Elles nous sont servies sous forme accélérée : le jour, la nuit, vues du sol, d'avion, à 45°... C'est l'overdose ! Même le spectateur le plus obtus a compris au bout de trois minutes ! Est-il vraiment utile de ressasser cela jusqu'à provoquer le ras le bol... vis à vis du film, ce qui a plus d'une fois failli m'arriver ?  
 
   Sans compter que "sévit", tout au long de ces 84 minutes, la partition, paraît-il majeure, de Philip Glass. Les goûts sont bien sûr fort variés, et je ne doute pas que beaucoup trouveront peut-être géniale cette musique. Il est vrai que la subjectivité est reine dans le domaine artistique. Heureusement pour les créateurs. Une toile de trois mètres carrés comporte deux lignes jaunes entourant un cercle bleu. C'est un chef-d'œuvre ! Bon. Pourquoi pas. Dans ce cas, une idée musicale de deux mesures répétée interminablement, jusqu'à la nausée, peut, elle aussi, être une création sublime. J'avoue que ce n'est pas ma conception de la beauté sonore. Tout au moins dans le cas présent. La troisième symphonie de Gorecki, bâtie, elle aussi, sur un motif répété en crescendo, suscite une émotion puissante et envoûte l'auditeur. Mais c'est à mon goût, pour l'instant, une exception. En ce qui concerne l'accompagnement de "Koyaanisqatsi", j'avoue que, hormis la première et la quatorzième plages, consacrées à la mélopée hopi, ce rabâchage perpétuel d'un motif infime est totalement insupportable à mes oreilles ! 
 
   Au final, beaucoup de mouvement, d'artificiel et de "bruit" pour une belle esthétique, mais tout cela me semble bien vain, et surtout, bien épuisant...
   
Bernard Sellier