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Le labyrinthe de Pan,
        (El laberinto del Fauno),     2006, 
 
de : Guillermo  del Toro, 
 
  avec : Ivana Baquero, Sergi Lopez, Maribel Verdú, Doug Jones, Ariadna Gil, Alex Angulo,
 
Musique : Javier Navarrete

  
   
La guerre civile espagnole vient de se terminer par la victoire du Général Fanco ("La Muerte", comme chantait Leo Ferré...). Mais des groupes de résistants combattent encore, et un petit nombre d'entre eux mène la vie dure au Capitaine Vidal (Sergi Lopez), isolé au milieu d'une forêt hostile. La jeune femme qu'il a récemment épousée, Carmen (Ariadna Gil), arrive avec la fille qu'elle a eue d'un premier mariage, Ofelia (Ivana Baquero). La fillette se sent particulièrement mal à l'aise. Au cours d'une promenade dans les environs du camp, elle découvre l'entrée d'un monde souterrain magique... 
 
   La première surprise est de voir cohabiter, ce qui n'est pas fréquent, deux genres aussi différents que le film de guerre et le conte fantastique. Et, qui plus est, avec un certain bonheur. Le fil conducteur qui unit ces deux mondes est tenu par une sorte de petite "Ariane" contemporaine qui, bercée par les fables féériques dans sa prime enfance, réussit à fuir l'univers cauchemardesque qui l'entoure, pour retrouver celui dont elle est la Princesse exilée. La narration oscille donc sans cesse entre bouffées d'onirisme, plages de poésie élégiaque, et flambées de sauvagerie pure, geysers de haine viscérale. Incarné de manière aussi glaçante que sobre par un Sergi Lopez démoniaque, le personnage de Vidal rejoint sans peine le panthéon des monstres d'autant plus terrifiants que leurs pulsions jaillissent comme l'éclair d'une personnalité qui paraît contrôlée. Dans des décors fantasmagoriques, le plus souvent inquiétants, même lors des incursions d'Ofelia dans le monde souterrain, sous un ciel constamment plombé d'où le soleil, la lumière sont constamment absents, noyée sous des trombes d'eau (symbole de l'inconscient ?), l'aventure se développe jusqu'au dénouement qui prend la forme d'une initiation. Laquelle n'est pas sans rappeler, lors de la dernière "épreuve" subie par Ofelia, celle du "Voyage Initiatique" qui clôt le premier tome de "L'Initié". 
 
   Pourtant, bien que l'émotion soit sollicitée avec efficacité et constance par les multiples incursions dans les extrêmes, qui jalonnent l'oeuvre, l'impression d'ensemble reste mitigée. Comme si le spectateur contemplait ce qui se déroule sans avoir la possibilité de s'y plonger, en y demeurant partiellement étranger. Quelle(s) raison(s) à cela ? Sans doute déjà le fait que nombre de clés ne sont pas livrées. Pourquoi Vidal est-il devenu ce tortionnaire glacial ? On ignore tout de lui, de son passé, de ses tourments, ce qui procure à son personnage un aspect robotisé, à ses actes une gratuité dérangeante. Quant aux "visites" d'Ofelia dans le royaume magique, l'évidence du symbolisme n'y est pas non plus foncièrement accessible (exception faite de l'"Ogre" Franco...). En fin de compte, si l'oeuvre marque l'esprit, donne naissance à des émotions multiples, elle ne semble pas réussir totalement à unir les opposés dans une alchimie enchanteresse.
   
Bernard Sellier