David Haller (Dan Stevens) est spoigné dans un hôpital psychiatrique pour une schizophrénie et des visions qui l'agressent depuis sa petite enfance. Il rencontre un jour une jeune et jolie malade, Syd Barrett (Rachel Keller), et c'est le coup de foudre immédiat. Lorsqu'elle quitte l'unité de soins, un furtif baiser provoque un phénomène pour le moins étrange...
David est donc psychologiquement très atteint, et le début du pilote met en place la situation d'une manière un peu outrancière, voire tape à l'oeil. Visions cauchemardesques qui se bousculent, délires, accès de télékinésie, de téléportation... Le tout dans un monde de couleurs flashy qui décoiffent le spectateur. Celui-ci voit d'ailleurs sa raison violemment malmenée, ne sachant plus très bien, à l'instar du héros, ce qui relève de l'illusion et ce qui est ancré dans la réalité. La réalisation joue également un rôle majeur dans cette fragmentation des perceptions, grâce à des transitions visuelles et temporelles perturbantes. Et les manipulations ne cessent de s'amplifier. L'épisode 4 se révèle particulièrement barré, mais ce n'est rien à côté de ce qui nous attend par la suite ( l'épisode 6, par exemple et sa suite ).
Ce qui pose tout de même un problème majeur. A savoir que, si l'on ne peut qu'être stupéfait, voire peut-être admiratif, devant l'imagination délirante et sans bornes des créateurs, on éprouve de plus en plus de difficultés à ressentir une quelconque empathie pour ces personnages qui ressemblent toujours davantage à des marionnettes trimballées de fantasmagories improbables en illusions qui flirtent plus d'une fois avec le grotesque. L'empilement des niveaux d'abstraction désamorce progressivement l'émotion, l'attachement et même le simple intérêt que l'on devrait porter à ces personnalités plus ou moins déviantes. La trame de l'histoire - à supposer que l'on puisse qualifier ainsi cette superposition fumeuse de séquences plus déjantées les unes que les autres -, se montre tellement éclatée, morcelée, désintégrée en multiples sous-ensembles, qu'il faut une bonne dose de courage pour aller au bout de cette saison, qui ne compte pourtant que huit épisodes.
Si l'on ne peut qu'être admiratif devant le travail colossal des scénaristes et des monteurs, force est de regretter une préjudiciable absence d'identification aux troubles des personnages et, globalement, de profondeur. La suite qui s'annonce se fera probablement sans nous...
Bernard Sellier