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Le loup de Wall Street,
       (The wolf of Wall Street),        2013, 
 
de : Martin  Scorcese, 
 
  avec : Leonardo DiCaprio, Rob Reiner, Matthew McConaughey, Jon Favreau, Margot Robbie, Jonah Hill, Jean Dujardin, Kyle Chandler,
 
Musique : Luis Enríquez Bacalov


   
Jordan Belfort (Leonardo DiCaprio) est devenu courtier. Une crise économique l'ayant réduit au chômage, il retrouve un poste peu glorieux dans une petite officine qui vend des titres non cotés sur les grands marchés, ne valant la plupart du temps que quelques dizaines de cents. Mais il se découvre à la fois une puissance de suggestion infinie, ainsi que quelques amis malléables qu'il transforme en vendeurs invincibles... 
 
   Si l'on en croit certains commentateurs, le film ne retranscrit que très superficiellement la richesse du livre de Jordan Belfort dont il est inspiré. C'est peut-être vrai, toujours est-il que cette peinture au vitriol d'un fauve obsédé par la réussite financière, la puissance manipulatrice, doté d'un ego pathologiquement hypertrophié, malade de son addiction mortifère au sexe et surtout à la drogue, ne manque pas de puissance enjôleuse. 
 
   Si Jordan Belfort, idéalement incarné par un DiCaprio à multiples facettes, est un magicien dans l'art d'ensorceler ses complices, Martin Scorcese ne lui cède en rien sur ce plan, en offrant au spectateur une oeuvre qui malaxe habilement humour, bouffonnerie, drame, et délires en tous genres. Mais c'est aussi dans cette surenchère volontaire, clinquante, ainsi que dans cette diversité stylistique, que réside la limite de la fresque. Le réalisateur paraît tellement fasciné par ce typhon déjanté de Jordan, que les autres personnages sont réduits à l'état de fantoches sans épaisseur. Donnie et "Moumoute" sont des abrutis amusants, mais des abrutis quand même, l'agent Denham est particulièrement falot, le banquier suisse de Jean Dujardin semble sortir d'une comédie franchouillarde... Autant dire que DiCaprio est un Everest environné de petites collines insignifiantes. Quant au style adopté par le réalisateur, il laisse quand même perplexe. Belfort est un pourri totalement nuisible, tant pour ceux qu'il arnaque que pour lui-même, et pourtant le spectateur sort de la projection avec la sensation d'avoir assisté aux frasques d'un garnement qui mériterait, tout au plus, quelques bonnes fessées. Si l'on excepte deux ou trois scènes, (en particulier celle qui l'oppose à sa seconde épouse), le récit emprunte sans vergogne les chemins fleuris du batifolage et de l'agitation joyeuse pour suivre le parcours mortifère de ce trader hors normes, qui aurait tout aussi bien pu réussir merveilleusement dans la profession de gourou. Le discours d'adieu aux associés et employés, réduits à l'état de véritables zombies envoûtés, est à ce titre un moment aussi grandiose que consternant. 
 
  Il est incontestable que l'oeuvre est captivante, ensorselante, excitante. Mais une fois retombé le soufflé de l'émerveillement primaire, une gêne durable s'invite, occasionnée par l'approche très orientée du réalisateur.
   
Bernard Sellier