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Ma loute,
       2008, 
 
de : Bruno  Dumont, 
 
  avec : Fabrice Luchini, Juliette Binoche, Valeria Bruni Tedeschi, Jean-Luc Vincent, Raph, Laura Dupré, Thierry Lavieville,
 
Musique : ??

 
   
1910, sur une plage de la mer du Nord. Plusieurs personnes, originaires de Lille, Roubaix ou Tourcoing ont disparu. Deux policiers, l'inspecteur Machin (Didier Després) et son adjoint Malfoy (Cyril Rigaux) sont arrivés sur place et enquêtent. Enfin, si l'on peut dire ! Au même moment, non loin de là, un couple de riches bourgeois, André van Peteghem (Fabrice Luchini) et sa femme Isabelle (Valeria Bruni Tedeschi), emménagent comme tous les ans dans leur villa de style égyptien... 
 
   Il est une première réaction sur laquelle un consensus absolu est possible : "ce n'est pas tous les jours que l'on découvre un OVMI (objet visuel mal identifié) semblable, d'une telle originalité assumée". La seconde réaction est à l'évidence plus subjective : "heureusement !". 
 
   Un film qui, au bout de 3 minutes oblige le spectateur à se pincer pour vérifier qu'il ne rêve pas ; qui, au bout de dix minutes génère une furieuse envie de jeter l'éponge ; et qui, au bout d'un quart d'heure a totalement pétrifié le dit spectateur incapable de ne pas avoir envie de vérifier jusqu'où la consternation peut aller ! 
 
   De toute évidence, l'oeuvre se veut caustique et drôle. Et, de fait, une parodie, aussi grosse et déjantée soit-elle, peut se révéler jouissive ou excitante. Surtout lorsque des comédiens de première grandeur décident de quitter leurs registres habituels pour explorer des contrées nouvelles. Mais lorsqu'il s'agit, en l'occurrence, d'une caricature de caricature de caricature, il y a de quoi laisser plus que perplexe. Et lorsque s'invitent sur l'écran, même pour les besoins d'une satire de la bourgeoisie hyper décadente, une kyrielle de pêcheurs plus abrutis les uns que les autres, une galerie de riches industriels menés par un Fabrice Luchini qui s'est, on l'espère, beaucoup amusé pendant le tournage, mais dont le cabotinage effrayant, outrancier, provoque une gêne extrême, on demeure atterré ! Pourtant le fond n'est pas encore atteint, car survient, au milieu du film, une Juliette Binoche qui réussit l'exploit de rajouter encore quelques tonnes à la pesanteur grotesque jusque là présente. Mais tout cela est-il réjouissant, excitant ? Je n'ai pas l'impression d'avoir les zygomatiques coincés, et pourtant le résultat est sans appel : peut-être trois secondes de sourire (gêné) sur deux (très longues) heures de film. Si l'on excepte la famille locale de l'Eternel Brufort (Thierry Lavieville), à laquelle est réservée un himalaya de débilité profonde, chaque scène dans laquelle intervient un membre de la famille van Peteghem est, elle, un everest de cabotinage aussi ridicule qu'ahurissant et, surtout, insupportable. Une sorte de bataille pour recevoir la palme de celui ou celle qui l'emportera dans l'outrance. Le genre de "performance" qui pourrait jaillir d'un trip sous acide... 
 
   Apparemment, nombre de critiques ont trouvé cela enthousiasmant. Pourquoi pas ? Tous les goûts sont respectables, et, de fait, l'entreprise est novatrice. Mais, entre une histoire totalement dépourvue d'intérêt, une répétitivité affligeante (ah ! le bibendum Machin n'en finissant pas de se péter la gueule...), de grands acteurs qui se vautrent dans une caricature grotesque, un symbolisme d'une pesanteur pachydermique, et, cerise sur le gâteau, si l'on peut dire, un mépris manifeste pour le genre humain (auquel échappent d'extrême justesse Ma Loute et Billie), la coupe déborde très largement. Ce n'est pas fréquent que 98% d'un espace narratif soit constitué de laideur, de bêtise, de méchanceté et de noirceur...
   
Bernard Sellier