La main droite du diable, film de Costa-Gavras, commentaire

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La main droite du Diable,
     (Betrayed),     1988, 
 
de : Costa-Gavras, 
 
  avec : Debra Winger, Tom Berenger, Betsy Blair, Ted Levine, Jeffrey DeMunn, John Mahoney, Albert Hall, John Heard,
 
Musique : Bill Conti


   
Les moissons ont commencé dans les grandes fermes du Middle West. Katie Phillips (Debra Winger) conduit une moissonneuse batteuse. Elle fait la connaissance de son propriétaire, Gary Simmons (Tom Berenger). Celui-ci, veuf depuis trois ans, élève seul ses deux enfants, Joey (Brian Bosak) et Rachel (Maria Valdez). Il succombe au charme de la jeune femme. Mais Katie n'est pas vraiment ce qu'elle prétend être. En réalité, le bureau du FBI, dans lequel elle travaille en compagnie de son ancien amant, Michael Carnes (John Heard), l'a envoyée en mission d'enquête. De lourds soupçons d'assassinats racistes pèsent sur les épaules de Gary et de certains de ses amis... 
 
   Depuis "Z" qui l'avait révélé, jusqu'à "Amen", en passant par "Music Box", Costa-Gavras s'est toujours concentré, avec plus ou moins de bonheur, sur les déviations politiques, sociales ou humaines qui transforment le monde en un vaste capharnaüm mortifère. Il aborde ici le racisme ordinaire de certains états américains, dans lesquels la mentalité ne semble guère avoir évolué depuis la guerre de Sécession. La première surprise, moyennement convaincante, vient du fait que le réalisateur livre très rapidement l'une des clés fondamentales de l'histoire, à savoir l'identité de Katie. Sur un thème parallèle, Conan Doyle conservait intact le suspense dans son roman passionnant, mais peu connu, "La Vallée de la peur".  
 
   Mais, rapidement, l'orientation choisie par Costa-Gavras révèle tout son intérêt et ses qualités. Sans affaiblir le suspense, qui est simplement déplacé, il axe intelligemment le drame sur le dilemme intérieur des personnages. Ce choix transforme des individus fondamentalement malfaisants, bercés dès leur enfance dans la haine de tout ce qui n'est pas blanc et soi-disant pur, en des êtres complexes, qui, pour certains, acquièrent une humanité, certes orientée, mais réelle. Au fur et à mesure que se développent les séquences, l'ombre et la lumière des deux camps finissent par se mêler. Gary est assurément un raciste dur et un meurtrier. L'amour qu'il ressent pour sa famille et pour Katie n'a pas encore réussi à s'étendre à l'humanité toute entière. Mais, de l'autre côté, Michael, dont les motivations sont, a priori, saines, dévoile progressivement un aspect manipulateur qui n'est pas franchement positif. Tom Berenger et Debra Winger, tous deux solitaires en quête d'une reconstruction affective improbable, particulièrement émouvants dans leurs déchirements intérieurs, habitent leurs rôles avec une intensité poignante. Un pendant que l'on pourrait qualifier de "sentimental" du très réussi "Mississipi burning", mais dans lequel l'amour-passion ne submerge jamais le sujet fondamental.
   
Bernard Sellier