Mare of Easttown, série de Brad Ingelsby, commentaire

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Mare of Easttown, 
    Série,     2021, 
 
de : Brad  Ingelsby, 
 
  avec : Kate Winslet, Julianne Nicholson, Jean Smart, Angourie Rice, Guy Pearce, Cameron Mann, Joe Tippett,
 
Musique : Lele Marchitelli

 
     Ne pas lire avant d'avoir vu la série.

 
Mare Sheehan (Kate Winslet) est sergent de police dans la petite ville d'Easttown. Elle apprend incidemment que son ex mari, Frank (David Denman) est sur le point de se fiancer avec Faye (Kate Arrington). Tandis qu'un pervers est signalé dans la cité, la mère de la jeune Katy Bailey (Caitlin Houlahan), disparue depuis un an, met la pression pour que l'enquête continue. De son côté, Erin McMenamin (Cailee Spaeny), mère d'un bébé d'un an, a beaucoup de difficultés avec son père violent, Kenny (Patrick Murney) et le père de son enfant, l'immature Dylan Hinchey (Jack Mulhern) qui vit désormais avec Brianna Delrasso (Mackenzie Lansing)... 
 
  Et ce ne sont là que quelques uns des innombrables personnages qui peuplent cette série et apparaissent dans le premier épisode, nécessitant une attention soutenue pour que chacun prenne la place qui lui revient. Mais ce qui frappe le plus dans le commencement de ce drame à multiples facettes, c'est que, en une demi-douzaine de scènes, une évidence s'impose : nous sommes devant une création qui s'installe d'emblée dans le haut du panier. L'authenticité humaine et narrative qui transpire en permanence naît de la simplicité spontanée avec laquelle chaque personnage apparaît dans le champ, de la sobriété de dialogues toujours justes, aussi bien dans leur contenu que dans leur durée, de l'ascétisme narratif qui sait se limiter à l'essentiel. En une vingtaine de minutes, le spectateur est plongé dans le microcosme de cette petite ville comme s'il y avait toujours vécu. Aucune surenchère dans l'exposition des faits, d'ailleurs installés en fond de scène, comme ils le seraient réellement pour tout habitant du lieu, aucun glamour dans ces figures croquées sur le vif, sans fioritures ni ostentation. Mare n'a rien d'une enquêtrice de premier plan qui illuminerait l'ouverture du pilote en affichant sa détermination et son sens aigu du devoir. Elle survit tant bien que mal avec sa mère qu'elle loge, bien que les deux femmes ne s'entendent pas, en s'occupant de son petit-fils orphelin de père, Drew (Izzy King), en tentant avec grand peine de surmonter le suicide de son fils Kevin, et en gérant au mieux la nouvelle vie de son ex-époux sur le point de se remarier. Devant un tel amoncellement de souffrances, il serait légitime de craindre misérabilisme ou surenchère dans le pathos. Ce n'est jamais le cas pour la simple raison que le drame est conduit, dans tous ses développements, avec une pudeur, une justesse de ton, qui forcent le respect et l'admiration.

 Le scénario installe un maillage extrêmement fin et précis de cette toile d'araignée qui relie tous les personnages, parents, amis, adversaires, mais toujours liés par les parentés, les rumeurs et les souvenirs des drames vécus. Histoire policière, certes, dont l'intensité dramatique revêt l'apparence d'un brasier couvant sous les cendres, n'attendant que le souffle qui fera jaillir les flammes et dont le dénouement à double étage se montre proprement poignant. Mais surtout peinture bouleversante de personnalités humaines en perpétuelle recherche d'amour, de consolation, de pardon, de résilience. Quant à l'incarnation que donne Kate Winslet de son personnage tourmenté, il est difficile de trouver les qualificatifs susceptibles de rendre hommage à son degré d'intensité sobre, d'authenticité et de subtilité. Est-il possible de transmettre une telle palette d'émotions, une telle variété de ressentis, de sentiments, avec une semblable économie d'expressions, à travers un regard, un visage, qui reflètent l'invisible, le livrent au spectateur, sans quasiment l'extérioriser physiquement ? Un modèle d'interprétation aussi rare que précieux, qui contribue à propulser ce drame au premier plan des séries inoubliables.
   
Bernard Sellier