Ne pas lire avant d'avoir vu le film
Nicole (Scarlett Johansson) et Charlie (Adam Driver) sont passionnés par le théâtre. Il met en scène les pièces qu'elle joue. Mais leur amour s'est éteint et ils sont sur le point de se séparer. Ils font appel à un médiateur (Robert Smigel), mais la difficulté est grande pour qu'il parvienne à les faire communiquer...
C'est à l'autopsie d'une séparation douloureuse que nous convie le réalisateur. Certes, il est rare qu'un divorce s'opère dans l'harmonie, mais c'est pourtant ce qui semblait se dessiner entre Nicole et Charlie jusqu'à ce qu'elle prenne contact avec un avocat. Dès lors, ce sont les hommes (ou femmes) de loi qui mènent la danse, et celle-ci est tout sauf un slow tranquille. A ce titre le personnage de Jay Marotta (Ray Liotta) est l'archétype du requin prêt à dévorer ses adversaires. Toutes les failles sont exploitées, les moindres recoins intimes sont exposés au grand jour, la plus petite confidence devient une arme de guerre, et c'est terrifiant. On pense évidemment au mythique 'Qui a peur de Virginia Woolf' lorsque les éléments se déchaînent et que la bataille fait rage.
Mais l'oeuvre de Noah Baumbach se démarque par l'équilibre profondément humain qui accompagne le parcours des deux anciens amants, offrant d'emblée au spectateur la vision que chacun a eue de l'autre lors de leur rencontre. A ce titre, la scène finale au cours de laquelle Charlie et son fils Henry (Azhy Robertson) découvrent et lisent les lignes écrites par Nicole aux premiers temps de leur union est d'une justesse et d'une noblesse bouleversantes. Mais, en fait, c'est tout le film qui affiche une délicatesse et une sensibilité à fleur de peau de premier ordre. Certes l'oeuvre est longue et les dialogues sont parfois filmés de manière statique. C'est le cas en particulier de la longue scène au cours de laquelle Nicole expose à son avocate les raisons de la rupture. Mais Scarlett Johansson s'y montre d'une telle expressivité dans la gestuelle et dans le regard, que l'authenticité et la sincérité transpirent sans peine. Rarement on a senti de manière aussi subtile mais limpide à quel point il suffirait d'un élan infime de part et d'autre pour que l'abîme apparemment infranchissable qui s'est creusé puisse être à nouveau comblé.
Bernard Sellier