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La mauvaise éducation,
      (La mala educacion),    2004, 
 
de : Pedro  Almodovar, 
 
  avec : Gael Garcia Bernal, Sara Montiel, Fele Martinez, Lluis Homar, Javier Camara,
 
Musique : Alberto Iglesias

 
   
Enrique Goded (Fele Martinez) est cinéaste et homosexuel. Alors qu'il se trouve dans une période de manque d'inspiration, il reçoit la visite d'un jeune acteur de théâtre, Ignacio Rodriguez. Stupéfait, il reconnaît l'enfant dont il était amoureux lorsqu'il se trouvait interne dans le collège où sévissait le Père Manolo (Daniel Giménez Cacho). Celui-ci les avait surpris dans une situation scabreuse et avait chassé Enrique, gardant auprès de lui Ignacio qu'il affectionnait particulièrement. Ignacio, qui a écrit une nouvelle fondée sur leur vécu commun, souhaite la faire lire à son ami. Ce dernier, profondément touché, décide d'en faire un film... 
 
   Dès l'ouverture, nous entrons sans contestation possible dans le monde si personnel et particulier d'Almodovar. Enfances aux relents fétides, génératrices de traumatismes indélébiles, personnages ambigus, ambivalents, en quête désespérée d'une identité inaccessible, univers nocturne, musical, mystérieux et fascinant des travestis... Lentement, douloureusement, les pelures des apparences se détachent, laissant à nu des corps et surtout des coeurs écorchés vifs. Mais, tandis que dans "Talons aiguilles", par exemple, un équilibre s'établissait entre l'ombre et la clarté, conduisant à une rédemption salvatrice, ici la lumièree n'apparaît quasiment jamais. 
 
   Les personnages sont tous de la même veine : égoïstes, veules, fourbes, manipulateurs. Ils sont des jouets, presque des coquilles plus ou moins vidées de leur substance authentique, qui dansent une sarabande funèbre dans laquelle l'homosexualité, misérable, pitoyable, est une reine dérisoire et sépulcrale. Le réalisateur promène ces individualités qui se cherchent perpétuellement à travers des flash back, des mises en scène d'un film dans le film lui-même... Bref, tout ce patchwork, d'une grande fluidité, est remarquablement construit pour dérouter le spectateur et lui faire perdre ses repères, tout comme c'est le cas pour les protagonistes du drame. Sur les plans esthétique, narratif, scénaristique, c'est une grande réussite. L'intellect ne peut qu'y être sensible et ressentir un envoûtement convulsif. Pour ce qui est de l'émotion et du coeur, j'avoue, en revanche, être resté totalement insensible, tant à la manière froidement distanciée dont l'histoire est exposée, qu'à son contenu lui-même. Et, si le dernier mot sur lequel se focalise l'objectif est "passion", je confesse n'avoir jamais éprouvé intimement sa présence dans cette oeuvre. Question de feeling, comme chanterait Richard Cocciante...
   
Bernard Sellier