La meute, Saison 1, série de S. Castro San Martin, commentaire

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La meute,
      (La jauria),     Saison 1,     2020, 
 
de : Sergio Castro  San Martin, 
 
  avec : Antonia Zegers, Maria Gracia Omegna, Paula Luchsinger, Daniela Vega, Mariana Di Girolamo, Alberto Guerra,
 
Musique : Andrés Goldstein, Daniel Tarrab


   
Ne pas lire avant d'avoir vu la série

    
Santiago du Chili. Depuis quelques jours, le lycée religieux Santa Iñes, dirigé par le Père Belmar (Francisco Reyes), est bloqué par un groupe de jeunes filles qui accusent leur professeur de théâtre, Ossandon (Marcelo Alonso) de harcèlement sexuel, et réclament son départ. Leur détermination grandit encore d'un cran lorsque leur meneuse, Blanca Ibarra (Antonia Giesen) disparaît. La commandante de police Olivia Fernández (Antonia Zegers) mène l'enquête en compagnie de la lieutenante Carla Farias (Maria Gracia Omegna)...

     La recherche de la jeune disparue est le fil conducteur principal de l'histoire, mais il est loin d'être le seul moteur de ce drame cauchemardesque. Ici, ce ne sont pas des trafiquants de drogues ou des gangs organisés qui sont à la source des évènements criminels, mais monsieur tout le monde et, ce qui est plus terrible encore, des adolescents. Derrière cette disparition et l'urgence de retrouver Blanca éventuellement vivante, se dissimule une pieuvre aux innombrables tentacules venimeux, qui opère à travers un jeu vidéo intitulé «le loup». Orchestré par un mystérieux commanditaire, le jeu consiste à composer des meutes de tois ou quatre individus et à choisir une victime féminine qui deviendra la cible de leurs exactions. Peu à peu, les deux enquêtrices, secondées par Elisa Murillo (Daniela Vega), découvrent le fonctionnement de cette force souterraine, et plongent dans les zones les plus sombres de l'humain. Le fondement de cette furie machiste réside dans un désir malade de prouver la suprémacie mâle, bouleversée ou ébranlée par le réveil récent d'un féminisme combatif et revendicatif. Pour animer cette masse de micro groupuscules indépendants et ignorants de l'identité du meneur alpha, le jeu vidéo, devenu l'obsession des ados, est un support idéal. Sur ce mode opératoire aussi discret que vicieux, se greffent les harcèlements sur les réseaux sociaux, qui constituent une plaie vive qu'aucune mesure ne semble capable d'enrayer ou même de freiner. Comme si ce mélange déjà explosif semblait insuffisant, le scénario emprunte aussi le chemin des scandales d'adoptions illégales. Pourtant, malgré cet amoncellement de sujets, la construction de cette première saison se montre impressionnante de densité psychologique et de tenue dramatique. La dénonciation du pouvoir manipulateur des puissants est virulente, et les cas d'Eduardo (Raimundo Alcade), fils d'un général à la retraite, ou encore d'Augusto Iturra (Giordano Rossi), fils d'une avocate de renom, sont édifiants. La corruption est à tous les niveaux et s'y mêle le désir irrépressible de secourir son enfant.

    Mais tout n'est pas forcément d'un blanc pur dans le monde des policiers, comme en témoignent les méthodes utilisées par Elisa Murillo, fascinée par les écrits et théories de son mentor, Petersen (Alfredo Castro). Le drame vécu par la jeune Blanca est d'ailleurs l'occasion de mettre au jour bien des secrets familiaux qui, comme chacun le sait, sont une pourriture qui perdure et empoisonne les vies tant qu'ils ne sont pas révélés. Sous certains aspects, cette première saison, très surchargée en thématiques majeures, - certaines sont d'ailleurs à peine effleurées, telle la «source» qui révèle certains secrets ou le personnage de «Z», hacker de premier plan - pourrait paraître un tantinet artificielle. Est-ce vraiment le cas ? Il est bien connu que des milliers d'adoptions illégales et de rapt de nourrissons ont eu lieu au Chili sous la dictature de Pinochet (voir l'article du «Point»). Quant aux évènements qui ont trait au harcèlement sexuel, à la misogynie de certains groupes suprémacistes, ou à l'addiction aux jeux vidéo, nul besoin de s'appesantir sur leur terrible réalité dans le monde contemporain. Ce qui est évident, c'est que ces huit épisodes sont captivants, parfois tétanisants, toujours émouvants, offrent une mine de réflexions sur les dérives pathologiques de la nature humaine et mêlent ces ingrédients avec maestria. Le dénouement ouvre sans ambiguïté sur une suite qui, nous l'espérons, saura conserver la tenue dramatique de celle-ci. 
   
Bernard Sellier