Charlie Horman (John Shea) et sa femme Beth (Sissy Spacek) vivent au Chili. Le jeune homme écrit une bande dessinée, un scénario, effectue de fréquents déplacements avec sa collègue Terry Simon (Melanie Mayron), et pose beaucoup de questions. Quelques jours après le commencement d'un coup d'état militaire, Beth, retenue un soir par le couvre-feu, ne peut rejoindre leur domicile. Lorsqu'elle y arrive le lendemain matin, tout est sens dessus dessous et Charlie est introuvable . Son père, Ed Horman (Jack Lemmon), arrive des Etats-Unis et commence, en compagnie de sa belle-fille, une longue quête afin de retrouver trace du disparu.
Tiré de faits réels, le scénario se concentre sur la souffrance individuelle de deux personnages que tout oppose (âge, condition sociale, choix de vie...). Charlie et Beth sont insouciants, imperméables au désir de réussite, prompts à s'enthousiasmer pour une cause ou une personne avec lesquelles ils se sentent en affinité. Ed est un homme "arrivé", rigide, engoncé dans les dogmes de l'Eglise Scientiste, qui ne connaît son fils qu'à travers des préjugés personnels aussi inamovibles qu'illusoires. Confronté au courage de sa belle-fille, aux mensonges des militaires et des diplomates, à la réalité sanglante d'un putsch préfabriqué et télécommandé par ceux qu'il considérait comme les dignes représentants d'une nation idéalisée, ses valeurs vont peu à peu vaciller sur leurs bases mouvantes, et cette évolution, subtilement incarnée par Jack Lemmon, se révèle le meilleur du film. Dommage en revanche que l'implication dramatique de Sissy Spacek semble faiblir, voire se déliter au fur et à mesure que la narration se développe. Dommage aussi que le contexte dans lequel évolue le jeune couple ainsi que le tissu politico-diplomatique se montrent distendus, même si ce flou contribue à mettre en évidence l'embrouillamini qui accompagne les manipulations criminelles des services secrets, des mercenaires et des multinationales.
Une œuvre douloureusement authentique, digne, traversée de moments intenses, malgré quelques réserves.
Bernard Sellier