Monsieur N, film de Antoine de Caunes, commentaire

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Monsieur N.,
       2003, 
 
de : Antoine  de Caunes, 
 
  avec : Philippe Torreton, Richard E. Grant, Jay Rodan, Roschdy Zem, Bruno Putzulu, Stéphane Freiss, Frédéric Pierrot, Elsa Zylberstein,
 
Musique : Stephan Eicher

 
 
15 Octobre 1840 : le corps de Napoléon Ier est ramené aux Invalides. Assistent à cette cérémonie, outre les derniers Généraux et Maréchaux fidèles, un officier anglais, Basil Heathcote (Jay Rodan). Il se souvient de son arrivée à l'île de Sainte-Hélène, vingt-cinq ans plus tôt. L'Empereur venait d'y être déporté et Hudson Lowe (Richard E. Grant) inaugurait son rôle de geôlier. Auprès de Napoléon, ne restaient que Cipriani (Bruno Putzulu), le Corse fidèle, le Maréchal Bertrand (Roschdy Zem), les Généraux Montholon (Stephane Freiss) et Gourgaud (Frédéric Pierrot). Les seules distractions du prisonnier lui sont offertes par sa maîtresse, Albine de Montholon (Elsa Zylberstein) et la jeune Betsy Balcombe (Siobhan Hewlett), amoureuse du "Grand Homme". Basil cherche à comprendre ce qui s'est réellement passé dans les mois précédant la mort du Corse... 
 
 Voilà une entreprise originale qui laisse de côté la carrière grandiose du Politique et du Militaire, pour se consacrer uniquement à l'homme fatigué, blasé, qui entrevoit la vanité de ce qui est laissé derrière lui. Loin des fastes du règne, du clinquant des victoires, il apparaît comme un être diminué, dont les derniers soubresauts d'orgueil ou de commandement ne peuvent plus dissimuler la fêlure incolmatable. Mais, pour intéressante que soit l'idée, surviennent tout de même quelques écueils inéluctables : il ne se passe pas grand chose sur cette île quasi déserte. Un petit jeu de gloriole avec cet officier britannique (merveilleusement rendu par Richard E. Grant), doublement écrasé : par la peur qui le tenaille que son illustre prisonnier se fasse une fois de plus la belle, et par le mépris que lui manifeste celui qu'il garde, et dont la stature passée rend son rôle de garde chiourme plus méprisable encore. Quelques combats d'intérêt viennent épicer la monotonie ambiante : soit pécuniaires : qui héritera de l'Empereur à sa mort ? Soit amoureux : qui l'emportera de la maîtresse manipulatrice Albine, ou de la blanche colombe Betsy ? Malheureusement, Napoléon ayant perdu 95% de sa grandeur, les intrigues qui se développent autour de sa personne ont subi la même chute d'intensité.  
 
 Deux heures pour si peu, ce serait beaucoup ! D'autant que la réalisation, de bon ton, d'une qualité "française" indéniable (bons acteurs, dialogues soignés, poses étudiées, costumes qui semblent sortir du pressing...), sans débordements inutiles, sans prétention, possède les inconvénients de ses bonnes qualités : une sagesse monotone, une progression lente, sans envergure, une absence de piment qui, à la longue, rend l'ensemble terne et presque fastidieux. Alors le scénariste a eu l'idée intéressante de créer un mystère en filigrane de la détention. Les allers-retours entre 1840 et la période de détention permettent des coupures bienvenues dans le quotidien de l'île et justifient une animation dans le dernier quart d'heure, lorsque Basil mène à son terme l'enquête sur ce qui a été dissimulé à ses regards.  
 
 Le choix de Philippe Torreton surprend de prime abord, mais sa prestation convainc sur la durée. L'ensemble, malgré un dénouement assez enthousiasmant, distille tout de même un ennui, distingué certes, mais soutenu.
   
Bernard Sellier