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Mr. Robot,
     Saison 1,      2015,  
 
de : Sam  Esmail..., 
 
  avec : Rami Malek, Christian Slater, Portia Doubleday, Carly Chaikin, Martin Walsström, Azhar Khan,
 
Musique : Mac Quayle


   
Ne pas lire avant d'avoir vu la série

   
Elliot Alderson (Rami Malek) travaille dans une agence de sécurité informatique, mais, au fond de son être, il hait la société et les sociétés. Lorsqu'une attaque de grande ampleur a lieu sur leur principal client, E Corp, Elliot se rend compte que le hacker lui a laissé un indice. Quelque temps plus tard, il est contacté par un mystérieux Mr. Robot (Christian Slater)... 
 
   A priori, le domaine informatique n'est pas le plus télévisuel qui soit. Voir défiler des hordes de lignes, de codes, et d'écrans auxquels on ne comprend pas grand chose, n'est pas vraiment très excitant. Fort heureusement, l'histoire qui nous est contée ici va beaucoup plus loin que ces alignements de bits. Le théme fondamental, une bataille contre les multinationales qui progressivement gangrènent un monde voué à l'agonie, est plus que passionnant. Pour la première fois dans l'aventure de l'humanité, un Goliath monstrueux, aux dimensions de la planète, est susceptible d'être vaincu par le biais de ce dont il s'est lui-même engraissé. 
 
   Le problème, c'est qu'Elliot lui-même est à l'image des bits informatiques. Fluctuant, oscillant sans cesse entre les extrêmes, impénétrable, insaisissable. Ce qui rend très difficile l'instauration d'une empathie réelle entre le spectateur et lui (exception faite de la courte, mais intense et précieuse scène dans laquelle il déballe la vérité à sa psy, Krista). À travers des auto-analyses en voix off, des visions psychédéliques ou oniriques, des alternances torrentueuses entre mondes virtuels et univers objectif, la narration décrit avec une acuité phénoménale l'intériorité complexe et ténébreuse du héros. Mais, du même coup, la vision de ce foutoir devient souvent pénible pour le spectateur, perpétuellement ballotté, comme dans un grand huit, entre avalanche de lignes informatiques, distorsions mentales d'un Elliott sous morphine, et fantasmes divers. Sans compter différentes intrigues secondaires (le dealer Vera, par exemple), qui n'en finissent pas, présentent un intérêt mitigé et diluent la colonne vertébrale de l'histoire dans un magma brumeux pas toujours aisément compréhensible. Les montages narratifs et visuels éclatés ne facilitent pas non plus l'accès. Quant à la grosse surprise de l'épisode 9, elle laisse perplexe, non pour l'esprit dérangé d'Elliot, avec lequel elle est en osmose parfaite, mais pour la corrélation avec les événements antérieurs. 
 
   Une œuvre d'une complexité et d'une richesse hypertrophiées, profondément originale, tant dans sa thématique que dans sa narration, mais dont les arabesques enchevêtrées génèrent parfois un ennui redoutable. À maintes reprises, l'envie de mettre un terme prématuré à la vision s'est invitée. Sans doute faut-il pas avoir dépassé la trentaine pour entrer dans ce monde aussi virtuel que schizophrénique... Et puis, si l'envie de raser les multinationales et leur puissance mortifère ne peut que ravir les humains prisonniers de l'argent que nous sommes presque tous, une question capitale demeure tout de même sans réponse : qu'installons-nous à la place ?... Il est facile de détruire un monde. En concevoir un autre et le construire est une toute autre entreprise...
   
Bernard Sellier