Ne pas lire avant d'avoir vu la série
Kirkdarroch. Une tranquille petite ville (fictive) d'Écosse. Une nuit, un incendie se déclare brutalement dans la maison habitée par le docteur Tom Kendrick (David Tennant) et sa famille. Son ami Steve Campbell (Matthew McNulty), policier, parvient à le sauver in extremis. Mais son épouse Kate (Anna Madeley) et ses trois petites filles décèdent. Une enquête commence, car un verrou extérieur fermait la porte des enfants...
Est-ce dû à un déficit d'attention momentané ? Toujours est-il que la mise en place des personnages paraît un peu confuse. Pendant un certain temps, on ne perçoit pas très bien quelles sont les relations familiales ou amicales entre les différents personnages. Heureusement l'histoire se recentre rapidement sur un petit groupe au sein duquel les liens internes s'éclaircissent progressivement.
Un assassinat particulièrement odieux. Mais ici pas de tueur en série machiavélique qui rôde, pas d'investigations aux rebondissements spectaculaires. Nous sommes dans un drame intimiste qui explore deux directions majeures. La reconnaissance de la personne coupable, bien sûr, mais aussi et surtout le dévoilement progressif des personnalités profondes qui composent ce microcosme campagnanrd, avec tout ce que cela implique de secrets enfouis, de rivalités larvées, de rancœurs mal digérées et de pathologies plus ou moins profondes. Rien d'exceptionnel, donc, car ce genre d'analyse a été traité de multiples fois. Mais, si l'originalité n'est pas au rendez-vous, il suffit de quelques qualités fondamentales pour transcender une histoire simple et la rendre aussi attractive qu'émouvante et intense. La première qualité tient à l'interprétation. Sur ce plan, la réussite est totale, avec un quatuor conduit par David Tennant («Broadchurch»), toujours intensément magnétique, autant dans le mutisme que dans l'ambiguïtéou la violence contenue, mais secondé de manière magistrale par Cush Jumbo, Matthew McNulty et Anna Madeley. La deuxième qualité réside dans la conjonction de dialogues toujours justes, et, pour une grande part, dans la mesure parfaitement calibrée des scènes. Chacune affiche la durée idéale pour ce qu'elle doit exprimer. Même les flashback, souvent envahissants et étirés dans ce genre de fiction, sont ici dosés avec une minutie pertinente. Un dosage dont pourraient s'inspirer nombre de séries françaises. Le dénouement affiche lui aussi une sobriété dramatique fidèle en tous points au dépouillement de l'ensemble.
Une série qui évoque immanquablement l'affaire Xavier Dupond de Ligonnès, dépouillée de toute boursouflure, solidement construite, intensément vécue, d'une tenue dramatique exemplaire, à laquelle manque seulement un soupçon de génie pour véritablement se hisser au pinacle.
Bernard Sellier