Opération Dragon, film de Robert Clouse, commentaire

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Opération dragon,
        (Enter the Dragon),      1973, 
 
de : Robert  Clouse, 
 
  avec : Bruce Lee, John Saxon, Kien Shih, Ahna Capri, Jim Kelly, Robert Wall, Peter Archer,  
 
Musique : Lalo Schifrin


   
Lee (Bruce Lee), élève du célèbre Temple Shaolin, accepte de participer à un tournoi organisé par un mystérieux et richissime personnage vivant sur une île, Han (Kien Shih). Juste avant son départ, son maître lui apprend, d'une part que Han, ancien membre du Temple, a trahi l'honneur en devenant un apôtre du Mal, d'autre part que son garde du corps, Oharra (Robert Wall) est responsable du suicide de Su Lin (Angela Mao), soeur de Lee. Sur le bateau qui le transporte vers le palais, le jeune homme fait la connaissance des autres participants, Williams (Jim Kelly), Parsons (Peter Archer) et Roper (John Saxon)... 
 
   Les rares films tournés par Bruce Lee n'ont jamais brillé par l'originalité ou la profondeur de leurs scénarios, souvent au ras des pâquerettes. Si celui-ci ne fait pas exception à la règle et se montre des plus basiques (une vengeance personnelle doublée de l'élimination d'un monstre par le biais d'un tournoi d'arts martiaux mortels), il se démarque néanmoins des précédents (puisque l'année de sortie de ce film est aussi celle de la mort de Lee), tout en se montrant impressionnant à plusieurs titres. 
 
   Par les protagonistes tout d'abord. Bien que brossés d'une manière plus que dégraissée, ils offrent une palette charismatique, puissante et sauvage qui capte intensément l'intérêt du spectateur. Que ce soit les deux principaux combattants étrangers, aux motivations rapidement présentées par des flash back signifiants, les hommes de Han (l'odieux Oharra et le sadique Bolo) ou, bien sûr, le maître des lieux lui-même, à la main remplacée par des accessoires mortels, aucun ne laisse indifférent, c'est le moins que l'on puisse dire.  
 
   Par le décor de l'intrigue ensuite, même s'il aurait pu être davantage exploité. Cette île coupée du monde, le palais sur lequel règne le tyran demi-dieu, au milieu de ses filles et de ses combattants-élèves, le musée intérieur, tout cela ne manque pas de magnétisme. Il en est de même pour l'atmosphère, résolument sombre et menaçante. Dès le commencement, avec le retour en arrière sur la mort tragique de Su Lin, on sent qu'il n'y aura aucune place pour la facétie, que le drame sera permanent, et ce n'est pas la cruauté froidement calculée de Han (cf. la scène des souterrains avec le malheureux Williams suspendu), qui est susceptible d'adoucir le propos. 
 
   Enfin, le couronnement impérial : la présence de Bruce Lee, qui donne toute sa valeur à cette oeuvre. Etonnant personnage, dont le physique fluet passerait quasiment inaperçu au milieu de la foule, mais dont l'apparence se métamorphose instantanément dès que l'on croise son regard. En un éclair, ce n'est plus le petit Oriental falot et anonyme qui se dresse devant nous, mais un pur concentré d'énergie vitale. Il n'a plus rien de l'acteur, mais devient une masse de nerfs, aux muscles tendus comme les cordes d'un piano, dont la conscience de chaque cellule est focalisée sur la seconde présente. Une telle intensité vibrante, que ce soit dans l'incarnation, dans le geste le plus infime, dans le passage quasi immédiat du combat le plus violent à l'immobilité d'une pierre, voire même dans les moments de calme où son déplacement évoque celui d'un félin, fait totalement oublier que nous sommes à l'intérieur d'un film. Quel homme et quel étrange destin !... 
 
   Une réussite fascinante, qui se clôt de manière symbolique, dans le décor étonnant d'une salle de miroirs où illusion et réalité se confondent.
   
Bernard Sellier