Où le coeur nous mène, film de Matt Williams, commentaire

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Où le coeur nous mène,
       (Where the heart is),     2000, 
 
de : Matt  Williams, 
 
  avec : Natalie Portman, Ashley Judd, Stockard Channing, Joan Cusack, James Frain, Dylan Bruno, Keith David,
 
Musique : Mason Daring

   
   
Willy Jack Pickens (Dylan Bruno) part avec sa petite amie, Novalee Nation (Natalie Portman), proche de l'accouchement. Ils quittent une roulotte pour aller habiter une véritable maison. Mais, en cours de route, la jeune femme doit faire halte dans un supermarché. Lorsqu'elle en sort, la voiture et le copain ont disparu. Désemparée, elle passe une nuit en cachette dans l'établissement, puis une semaine puis plusieurs. Elle a fait la connaissance, dans le village proche de Sequoyah (Oklahoma), d'un étrange bibliothécaire, Forney Hull (James Frain). Lorsqu'elle accouche, dans le magasin, elle devient célèbre. Une habitante, Thelma 'Sister' Husband (Stockard Channing), l'accueille chez elle avec le bébé, prénommée Americus !... 
 
    Cette comédie dramatique, qui débute d'une manière assez banale, cache finalement bien ses qualités. Nous sommes très loin des mégapoles agitées, que parcourent, stressés et ivres de puissance, de jeunes cadres dynamiques et voraces. C'est le monde des petites gens, de l'Amérique profonde, qui est ici mis en vedette. Avec une discrétion et une tendresse qui n'excluent pas le réalisme. Novalee est charmante, mais elle est consciente de ses limitations intellectuelles. Willy est un gros abruti, vulgaire et dragueur. Lorsque leurs chemins se séparent, ils vont se trouver confrontés à des croisements, à des épreuves, rarement choisis, bien souvent imposés par le "destin". La construction de ce type d'histoire romanesque est quasiment toujours identique. Le scénario part d'un point A pour aboutir, au bout de 90 minutes à un point Z, après avoir traversé les espaces codifiés du genre. Dire que le film de Matt Williams s'écarte résolument de ce canevas serait peut-être excessif. Pourtant, s'il en suit le cours traditionnel, il le fait avec une apparence, sinon novatrice, du moins tellement fantasque, imprévisible, que l'impression d'assister à un renouvellement profond, à une errance non balisée, s'impose. Un bon premier tiers semble un tantinet cafouilleux, désordonné, comme si la narration ne savait pas très bien où elle allait se diriger. Cet aspect décousu est d'ailleurs en adéquation parfaite avec le tempérament de l'héroïne, totalement perdue à la suite de l'abandon de son amant. Puis des personnages apparaissent, étranges, originaux, souvent attachants. Lentement, comme avec une pudeur timide, l'histoire et les événements heureux ou tragiques vont se charger de nous entrouvrir leurs intimités, de densifier leurs psychologies. Lorsque les véritables voies se dessinent enfin, c'est toujours avec la même intelligence respectueuse, que cette découverte s'expose à nos yeux. Au final, c'est un puzzle délicat, finement construit à partir de pièces pourtant grossières et brutes, qui apparaît, rayonnant de sincérité et d'amour.  
 
   Une très belle surprise.
   
Bernard Sellier